Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/64

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Dans les ouvrages philosophiques d’Ibn Gabirol, rien n’est particulièrement juif, rien ne révèle les croyances de l’auteur. Aussi ses travaux eurent-ils peu de retentissement et, par conséquent, peu d’influence chez les Juifs. Par contre, ils excitèrent un vif intérêt parmi les Arabes et les scolastiques chrétiens. Une année après son apparition, la Source de la Vie fut traduite en latin par un prêtre chrétien et un juif baptisé. Parmi les maîtres de la scolastique chrétienne, les uns adoptèrent ses idées, les autres les combattirent, tous en tinrent compte. La Cabbale même lui emprunta plus tard certaines conceptions. Ibn Gabirol est connu chez les chrétiens sous le nom d’Avicebrol ou Avicebron.

Un autre philosophe juif de cette époque, Bahya (Behaya) ben Joseph ibn Pakouda (Bakouda), suivit une autre voie qu’Ibn Gabirol. D’une foi ardente et d’une moralité austère, Bahya était une de ces personnalités à l’âme énergique, aux mœurs graves et pures, qui opéreraient facilement une révolution religieuse s’ils y étaient aidés par les circonstances. Il fonda une morale théologique du judaïsme d’une grande originalité et l’exposa en arabe dans un ouvrage qu’il appela Guide pour les devoirs des cœurs. Dans ce livre animé d’un souffle de profonde piété, l’auteur enseigne que dans la pratique de la religion, la pensée intime, le sentiment, importe seul, parce que seul il conduit à une vie véritablement sainte et pénétrée de la crainte de Dieu. Exégèse biblique, grammaire, poésie, philosophie spéculative, toutes ces sciences, toutes ces recherches qui préoccupaient alors les esprits au plus haut point, n’étaient pour Bahya que des objets secondaires, à peine dignes d’une attention sérieuse ; même l’étude du Talmud ne présentait à ses yeux qu’une importance médiocre. Il voulait que le judaïsme eût surtout sa place dans les cœurs, et pour lui les obligations imposées par la conscience étaient bien supérieures aux pratiques prescrites par la Loi. À l’exemple des docteurs pagano-chrétiens des premiers siècles, il divisait le judaïsme en deux parties : les lois religioso-morales et les lois cérémonielles. Ces dernières lui paraissaient naturellement d’un caractère moins élevé que les obligations purement morales.

Entraîné par ses aspirations vers Dieu et par son amour de la religion, telle qu’il l’entendait, Bahya arriva à considérer l’ascétisme,