Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/68

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cour et que le moment était venu de l’attaquer, lui et ses coreligionnaires. Les plus odieuses calomnies étaient répandues contre lui. Un poète musulman, Abou Ishak al Elviri, prépara la voie, aux violences populaires en publiant contre les Juifs un poème passionné dont voici un passage :

Dis aux Sinhagites, aux puissants, aux lions du désert : Votre souverain a péché, il a conféré des honneurs aux mécréants, il a nommé un juif son ministre au lieu d’élever un croyant à cette dignité. Aussi les Juifs conçoivent-ils les plus folles espérances, ils se conduisent en maîtres et traitent les musulmans avec orgueil. À mon arrivée à Grenade, j’ai remarqué que les Juifs sont tout-puissants et qu’ils se partagent entre eux la capitale et les provinces. Partout règne un de ces maudits.

Ces vers haineux étaient bientôt dans la bouche de tous les musulmans de Grenade. La mort de Joseph était résolue, on n’attendait qu’un prétexte pour attenter à sa vie.

Ce prétexte fut fourni par l’incursion des soldats d’un souverain voisin, Almotassem, prince d’Almeria, qui venaient envahir Grenade. On répandit aussitôt le bruit que Joseph était vendu à Almotassem et qu’il avait promis à ce monarque de lui livrer le pays. Des Berbères, suivis de la plus vile populace, se précipitent un samedi soir vers le palais de Joseph, en forcent l’entrée, tuent le ministre juif et mettent le cadavre en croix hors de la porte de Grenade. C’est ainsi que mourut l’infortuné ministre, à l’3âe de trente-cinq ans (9 Tebet = 30 décembre 1066). Ce premier crime surexcita la fureur de la populace, qui résolut d’exterminer tous les Juifs de Grenade. Plus de quinze cents familles trouvèrent ainsi la mort, et leurs maisons furent détruites. Parmi les quelques Juifs qui purent échapper au massacre et se réfugier à Lucéna, se trouvaient la femme et le fils de Joseph. La bibliothèque de ce dernier fut en partie détruite, en partie vendue. La mort des martyrs de Grenade et du ministre juif produisit dans toute l’Espagne juive, une profonde et douloureuse impression. Même un poète arabe, Ibn Alfara, consacra une élégie à la malheureuse fin de Joseph. Dénoncé à la cour d’Almeria, où il vivait, pour les regrets qu’il avait exprimés sur la mort de Joseph, il fut hautement approuvé