Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/73

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esprit aussi pénétrant et aussi original que lui, plus étendu, mais moins hardi et moins impartial. C’était Salomon Yitshaki, connu sous le nom de Raschi, et né à Troyes (Champagne) en 1040. Sa mère était la sœur de ce Simon ben Isaac connu par ses poésies liturgiques et les services qu’il rendit à la communauté de Mayence, et son père était très versé dans le Talmud. Quoiqu’il fût né et élevé au milieu de talmudistes, Raschi, pour augmenter son instruction, alla fréquenter les écoles de Mayence, Worms et Spire. Comme autrefois Akiba, il quitta sa femme et sa famille pour se rendre au loin et se consacrer entièrement à l’étude. De temps à autre, sans doute aux jours de fête, il retournait auprès de sa femme, mais se rendait ensuite de nouveau aux écoles allemandes, ou plutôt, comme on les appelait alors, lorraines. À vingt-cinq ans, il s’établit définitivement à Troyes (1064), où il était tout étonné, dans sa modestie, d’être déjà considéré comme un maître. Isaac Hallévi lui écrivit à cette époque : Tu illustres ta génération. Puisse Israël produire beaucoup d’esprits tels que toi !

Raschi fut nommé rabbin de Troyes et des environs, mais il ne tira aucun profit de cette dignité. Dans un temps où, d’après le témoignage d’un écrivain chrétien, aucun ecclésiastique ne pouvait être nommé évêque ou abbé s’il ne possédait une grande fortune, où on louait et admirait surtout les prêtres qui avaient les plus riches habits et la meilleure table, dans ce même temps les rabbins auraient cru agir contrairement à l’honneur et à la religion s’ils avaient retiré de leurs fonctions le moindre avantage pécuniaire. Le rabbin ne devait pas être seulement le plus instruit, mais aussi le plus vertueux de sa communauté, il devait mener une vie simple, modeste, et donner l’exemple du désintéressement et de la bonté. Sous tous les rapports, Raschi était certainement l’idéal du rabbin. Aussi inspirait-il à tous ses coreligionnaires de France et d’Allemagne le plus profond respect.

Après la mort des talmudistes lorrains (vers 1070), les disciples allemands et français affluèrent en grand nombre à l’école de Raschi, à Troyes. Le maître leur enseignait la Bible et le Talmud, il savait rendre clairs les passages les plus difficiles, et on a pu dire avec raison que, sans Raschi, le Talmud de Babylone