Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/74

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aurait été négligé autant que celui de Jérusalem. Les explications que, sous le nom de Commentaire (Kontros), il écrivit dans la langue talmudique sur presque tous les traités du Talmud, sont des modèles de simplicité, de netteté et de précision ; elles sont utiles au commençant comme à l’homme instruit. Ce commentaire est vraiment une œuvre artistique dans son genre. Aussi éclipsa-t-il bien vite les commentaires de Guerschom et des autres talmudistes.

Outre ses explications sur le Talmud, Raschi écrivit également un commentaire sur la plupart des livres bibliques. Grâce à son tact, son bon sens et son instinct de la vérité, il rencontrait presque toujours la signification juste des mots et des versets. Mais souvent il suivait l’interprétation aggadique, parce qu’il prenait au sérieux les explications fantaisistes que le Talmud et les recueils d’aggadot donnent de certains versets. Il sentait cependant confusément que, plus d’une fois, le sens réel du texte (Peschat) était en contradiction avec l’interprétation aggadique (Derasch). Dans sa vieillesse, ce sentiment était devenu chez lui plus net et plus vif, car il recommanda à son petit-fils de modifier son commentaire biblique, de façon à rendre ses explications conformes au sens naturel du texte. Raschi était bien supérieur aux commentateurs chrétiens de son temps, qui admettaient gravement que l’Écriture Sainte pouvait être interprétée de quatre manières différentes.

Les commentaires de Raschi sont d’autant plus remarquables que le savant de Troyes ignorait la plupart des travaux exégétiques de l’école espagnole. Il connaissait bien en partie les écrits de Menahem ben Sarouk et de Dounasch, dont il adoptait toutes les idées, mais les ouvrages de Hayyoudj et d’Ibn Djanah, écrits en arabe, lui étaient totalement inconnus. De là, souvent, des singularités, des maladresses et des obscurités dans ses observations grammaticales. Mais, en dépit de quelques points faibles, le commentaire de Raschi est devenu tellement populaire que, pendant longtemps, il était considéré par une partie des Juifs comme une annexe indispensable du texte biblique et qu’à son tour il a été longuement commenté.

Raschi ne laissa pas de fils ; il eut trois filles, dont l’une savait