Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/77

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du roi de Castille. Un autre conseiller juif d’Alphonse fut Cidellus, qui avait toute la confiance du souverain et pouvait lui parler avec plus de franchise et de liberté qu’aucun des nobles et des grands d’Espagne. Étranger à la bigoterie et au fanatisme, le roi Alphonse ne se bornait pas à favoriser un petit nombre de Juifs, il accordait à tous, dans ses États, les mêmes droits qu’aux autres Espagnols, et les admettait aux fonctions publiques. Il est vrai qu’à côté de la législation wisigothe, qui traitait les Juifs en parias, il s’était déjà établi, avant Alphonse VI, des coutumes (fueros) plus douces, qui assuraient les mêmes droits aux chrétiens, aux Juifs et aux musulmans d’une même ville ou d’une même province. Hais le roi de Castille érigea ces diverses coutumes en lois de l’État, effaçant ainsi les derniers vestiges des institutions wisigothes.

À Worms également, les Juifs jouissaient à cette époque des mêmes droits que les autres habitants. Le malheureux empereur Henri IV leur avait accordé cette faveur ou plutôt cet acte de justice, parce qu’au milieu de toutes les trahisons dont il était enveloppé et des outrages dont L’abreuvaient nobles et prélats, il n’avait rencontré de dévouement, d’affection et de fidélité qu’auprès des Juifs de Worms. Ceux-ci s’étaient joints en armes aux chrétiens de la ville pour défendre leur empereur. Henri IV les en récompensa en les traitant avec équité.

Mais que devenait la prétendue malédiction qui, d’après l’Église, devait peser éternellement sur les Juifs, si ceux-ci vivaient tranquilles dans des pays chrétiens ? Aussi le chef suprême du christianisme, le pape Hildebrand qui, sous le nom de Grégoire VII, bouleversa toute l’Europe, se mit-il à l’œuvre pour faire cesser un tel état de choses. Lui, le maître des maîtres, qui voyait ramper à ses pieds peuples et souverains, il jugeait nécessaire d’humilier les faibles Juifs et de les faire mettre hors la loi dans les contrées où ils étaient aimés et estimés ! Au concile de Rome (1078), où, pour la seconde fois, il lança l’anathème contre les ennemis de la papauté, il défendit par une loi canonique d’admettre les Juifs à des emplois publics ou de leur assurer une autorité quelconque sur des chrétiens. Cette ordonnance visait spécialement la Castille. Car en 1080, le pape adressa au roi Alphonse VI un mandement