Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/103

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turcs prenaient alors à l’égard des princes chrétiens, pour réclamer la mise en liberté de ses sujets, et il faisait entendre qu’en cas de refus il userait de représailles envers les chrétiens de son empire. Paul IV dut céder aux exigences du sultan et laisser partir d’Ancône sains et saufs les Marranes de Turquie. Les Marranes d’Ancône, qui n’avaient pas de puissant protecteur, furent brûlés. C’est de ce forfait que les Juifs, comme on l’a vu plus haut, cherchèrent à punir le pape, comptant, pour y réussir, sur l’appui de Dona Gracia et de Joseph Nassi.

Le duc d’Urbin avait accueilli sur ses terres ceux des Marranes qui avaient pu s’échapper d’Ancône, parce qu’il espérait attirer dans son port de Pesaro le commerce du Levant, qui était entre les mains des Juifs. Pour que ce but pût être atteint, la communauté de Pesaro demanda à toutes les communautés turques qui étaient en relations d’affaires avec l’Italie d’envoyer dorénavant toutes leurs marchandises, non pas à Ancône, mais à Pesaro. Encore sous le coup de l’indignation soulevée par le supplice des Marranes, de nombreux Juifs levantins décidèrent, à l’exemple de l’importante communauté de Salonique, de se conformer au vœu de leurs coreligionnaires de Pesaro (août 1556). Peu à peu, le port d’Ancône fut presque complètement déserté par le commerce du Levant et perdit ainsi des revenus considérables. Les habitants d’Ancône s’en plaignirent amèrement et prièrent le pape d’aviser.

Mais un tel plan ne pouvait avoir d’action efficace que s’il était poursuivi pendant longtemps et après une parfaite entente entre tous les Juifs qui commerçaient avec l’Italie. Les Juifs de Pesaro et les anciens Marranes établis en Turquie multiplièrent naturellement leurs efforts pour faire entrer dans leur ligue contre le port d’Ancône tous ceux qui pouvaient aider à la réussite de leur œuvre. Mais les Juifs d’Ancône qui n’appartenaient pas au groupe des Marranes craignirent pour eux-mêmes les conséquences du châtiment qu’on voulait infliger à la ville pontificale et s’efforcèrent de faire échouer la ligue. En réalité, tout dépendait de la décision qui serait prise par les Juifs de Constantinople, à qui les Juifs de Salonique, d’Andrinople, de Brousse et de Morée avaient écrit de réfléchir mûrement et de tenir compte