Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

première expulsion, pour les faire rappeler. L’empereur Ferdinand opposa un refus absolu à ces sollicitations, sous prétexte qu’il avait juré d’interdire aux Juifs le séjour de Prague et qu’il ne pouvait pas violer son serment. Un généreux suif de Prague, Mardokhaï Cémah ben Guerschon, décida alors de se rendre à Rome pour demander au pape Pie IV, successeur de Paul IV, de délier l’empereur de ce serment.

Mardokhaï Cémah était de la célèbre famille Soncin, dont plusieurs membres dirigeaient avec succès des imprimeries dans diverses villes de la Lombardie, à Constantinople et à Prague. Quoique la communauté de Prague l’eût gravement offensé et que sa fille mariée eût été accusée injustement d’adultère par de faux témoins et condamnée par le tribunal juif, il s’imposa quand même les plus lourds sacrifices dans l’intérêt de ses coreligionnaires. Son voyage à Rome fut couronné de succès. Pie IV délia Ferdinand de son serment. Du reste, le fils de l’empereur, Maximilien, devenu plus tard empereur lui-même, intervint aussi en faveur des Juifs de Prague. Ceux-ci furent de nouveau autorisés à s’établir à Prague et dans quelques villes de Bohème, ainsi qu’en Autriche.

On pouvait espérer, à cette époque, que la tolérance l’emporterait sur le fanatisme, car, à la mort de Paul IV (août 1559), la population romaine avait manifesté violemment ses sentiments contre la mémoire de ce pape et son système d’oppression religieuse. À la nouvelle de la mort du Pontife, le peuple s’était réuni au Capitole, comme du temps de la République romaine, et répandu ensuite é travers la ville, brûlant les bâtiments de l’Inquisition, maltraitant les dominicains, arrachant les armes pontificales et détruisant la statue de Paul IV. Au rire des assistants, quelqu’un s’était avisé de placer sur la tête de cette statue la barrette jaune que Paul IV avait imposée aux Juifs. Malheureusement, si les papes passaient, le système restait ; l’Église et son chef suprême étaient soumis pour longtemps encore aux violents et aux fanatiques.

Pie IV ne ressemblait pourtant nullement à son prédécesseur. Lorsque, après son élection, des délégués des Juifs romains vinrent lui présenter une adresse de félicitations et lui exprimer leurs doléances au sujet des souffrances infligées aux Juifs, il leur promit sa protection. En effet, il promulgua en faveur des Juifs de ses États