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Cette situation brillante des Juifs de Turquie ne dura pas longtemps. Elle s’assombrit rapidement et devint même menaçante. Dès qu’ils n’eurent plus de protecteurs auprès du sultan, ils furent pressurés, pillés, maltraités dans les provinces par les pachas, et leur sécurité devint de plus en plus précaire. Ils purent espérer un instant qu’ils trouveraient dans un autre pays la tranquillité et la liberté que leur refusait dorénavant la Turquie. Ce pays était la Pologne.


CHAPITRE V


Situation des Juifs de Pologne et d’Italie jusqu’à la fin du XVIe siècle
(1560-1600)


Au XVIe siècle, la Pologne, devenue une grande puissance, sous la souveraineté des fils de Casimir IV (1560-1600), par son union avec la Lithuanie, était un refuge assuré pour tous les persécutés. Le christianisme canonique et intolérant n’y avait pas encore jeté des racines profondes, et le pouvoir monarchique y trouvait un utile contrepoids dans l’esprit d’indépendance de la grande et de la petite noblesse. À l’instar des lords anglais et des chefs de clan écossais, les starostes polonais vivaient libres sur leurs domaines. La noblesse et la bourgeoisie étaient en grande partie calvinistes. On ne tenait donc pas grand compte, en Pologne, des lois restrictives édictées par l’Église catholique contre les Juifs. Ceux-ci étaient, du reste, efficacement protégés par les nobles dont ils habitaient les terres. Quand les Juifs de Bohème furent expulsés de leur pays, ils reçurent un excellent accueil en Pologne. En général, tout Juif persécuté ou baptisé par force trouvait un asile en Pologne et pouvait y pratiquer librement le judaïsme.

Il est difficile d’évaluer le nombre de Juifs établis alors en Pologne ; ils étaient peut-être environ vingt mille. Les communautés