Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/130

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à déployer toutes les ressources de la plus fine et plus subtile dialectique, à accumuler les objections pour y répondre, à établir les rapprochements les plus étranges, à argumenter sur tout et à propos de tout. Cette méthode est le fameux pilpoul. Fréquentées par de nombreux élèves, les écoles talmudiques de Pologne jouirent bientôt d’une réputation considérable dans l’Europe juive.

Le système de Jacob Polak fut continué et développé par les trois célèbres rabbins Schalom Schachna, élève de Polak, Salomon Louria et Moïse Isserlès. Schachna, qui florissait de 1540 à 1558, semble avoir habité Lublin et y avoir exercé les fonctions de grand rabbin. Salomon Louria (né vers 1510 et mort vers 1573), qui descendait d’une famille allemande immigrée, aurait contribué en d’autres temps aux progrès et au développement du judaïsme. Mais en Pologne, à une époque de décadence, il ne put être qu’un remarquable talmudiste, d’un jugement sain et d’une critique pénétrante. Il se distingua aussi par la dignité et la fermeté de son caractère. Ennemi de l’injustice, de la vénalité et de l’hypocrisie, il blessa naturellement, dans ses diatribes, bien des vanités. Il s’élevait contre les talmudistes qui ne conformaient pas leurs actes à leur enseignement et ne s’efforçaient de briller dans les études talmudiques que par pur orgueil ; il raillait aussi ceux dont l’ambition était de beaucoup supérieure au savoir, qui prenaient le titre de maître dès qu’ils avaient reçu l’ordination, et, malgré leur ignorance, réunissaient des élèves autour d’eux à prix d’argent, comme les nobles louaient des domestiques. Il y a de vieux rabbins, disait-il, qui connaissent à peine le Talmud et, par vanité, exercent quand même une autorité tyrannique sur les communautés et les savants, lancent ou annulent des anathèmes, et donnent l’ordination à leurs élèves. Enfin, Louria flétrissait de sa verve mordante ces docteurs qui se montraient pleins d’indulgence pour les péchés des grands, mais relevaient avec une rigoureuse sévérité la moindre peccadille des humbles et des petits.

Malgré ses violentes polémiques, Louria était profondément estimé de tous les savants, qui admiraient sa science si vaste et si sure. Encore presque jeune homme, il entreprit la tâche difficile