Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/138

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grand encore, surtout dans les milieux catholiques. Quand le savant théologien espagnol Arias Montano eut publié à Anvers, aux frais de Philippe II, la première Bible polyglotte complète et composé une grammaire et un lexique hébreux, pour lesquels il s’était servi des travaux de commentateurs juifs, l’Inquisition l’accusa, lui, le favori de Philippe II, qui avait dressé lui-même une liste de livres hérétiques, de friser souvent l’hérésie et de judaïser en secret.

On assista ainsi, dans l’Europe chrétienne, au réveil du plus étroit fanatisme, qui aboutit plus tard aux excès sanglants de la guerre de Trente ans, et qui rendit le séjour des Juifs très. précaire dans les pays catholiques comme dans les pays protestants. À Berlin et dans le Brandebourg, les luthériens placèrent les Juifs dans la douloureuse alternative d’accepter le baptême ou d’émigrer, parce qu’un ministre des finances juif, favori du prince-électeur Joachim II, avait laissé le champ libre à l’extravagance de quelques spéculateurs, et que le médecin juif Lippold, soumis à la torture, s’était déclaré coupable du crime d’avoir empoisonné le prince-électeur, sou protecteur, aveu que, du reste, il avait de nouveau rétracté. Les Juifs furent également expulsés du duché protestant de Brunschwig par Henri-Jules.

Par un heureux hasard, l’empereur Rodolphe II, quoique élève des Jésuites et ennemi implacable des protestants, ne haïssait pas les Juifs. S’il n’avait pas assez de fermeté pour les protéger efficacement contre les mauvais traitements, il n’encourageait pas, du moins, ceux qui voulaient les persécuter. Il intervenait même parfois en leur faveur. Ainsi, il invita l’évêque de Würzburg à respecter leurs privilèges, et celui de Passau à ne pas les soumettre à la torture. Mais, sans doute pour ne pas être loué par ses contemporains ou la postérité comme protecteur des Juifs, il décréta que, dans un délai de six mois, tous les Juifs fussent chassés de l’archiduché d’Autriche. Maltraités par les catholiques et les protestants, peu protégés mais grandement exploités par l’empereur, les Juifs d’Allemagne virent s’accentuer leur décadence matérielle et intellectuelle.

En Italie, la situation des Juifs était encore plus malheureuse. À ce moment, l’Italie était le siège de la plus ardente réaction catholique,