Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/147

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expliquer en latin aux autorités que l’assistance était composée, non pas de papistes, mais de Juifs échappés aux fureurs de l’Inquisition, qui apportaient au commerce d’Amsterdam le concours de leurs capitaux et leur expérience des affaires. Les paroles de Tirado firent impression sur les autorités, qui ordonnèrent immédiatement la mise en liberté des prisonniers, et l’assemblée put achever la célébration de la fête.

Une fois leur religion connue, les fugitifs portugais sollicitèrent des magistrats l’autorisation de construire une synagogue et d’y célébrer publiquement leur culte. Après de longs pourparlers, l’autorisation fut accordée. Jacob Tirado acheta un terrain et y éleva la première synagogue de l’Europe septentrionale (1598), qu’il appela Bèt Jacob, liaison de Jacob, et que la petite communauté inaugura au milieu du plus grand enthousiasme.

Bientôt, d’autres Marranes quittèrent secrètement l’Espagne et le Portugal pour rejoindre leurs coreligionnaires en Hollande. Mayor Rodriguez Homem, la femme vaillante qui avait fait partir sa fille, Marie Nunès, avec les premiers émigrants, vint à Amsterdam avec ses deux plus jeunes enfants (vers 1598). Vers la même époque, une autre famille considérée se rendit également du Portugal dans cette ville, la famille Franco Mendès. Les deux frères Francisco Mendès Medeyros et Christoval Mendès Franco, dont le premier prit le nom juif d’Isaac et le second celui de Mordekhaï, jouèrent plus tard un rôle important dans la communauté d’Amsterdam, mais ils y occasionnèrent aussi des dissensions.

Philippe II, qui mourut en septembre 1598, put encore voir les deux peuples qu’il haïssait peut-être le plus, les habitants des Pays-Bas et les Juifs, se prêter un mutuel appui pour détruire l’œuvre dont il avait poursuivi la réalisation avec tant d’acharnement. La Hollande, ennemie de l’intolérance et du despotisme, assura aux Juifs portugais la liberté religieuse. Par contre, les Juifs aidèrent la Hollande à guérir les maux que sa lutte contre le roi d’Espagne avait attirés sur elle, ils lui fournirent les capitaux qui lui permirent d’enlever au Portugal, allié de l’Espagne, le commerce des Indes et de créer au delà des mers ces grandes compagnies qui firent sa richesse. Les accointances secrètes des