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CHAPITRE VIII


L’établissement des Juifs en Angleterre et la révolution anglaise
(1655-1660)


À l’époque même où, en Pologne, les Juifs étaient pourchassés et massacrés, ils virent s’ouvrir pour eux un pays qui leur était resté fermé pendant deux siècles et demi. Ce pays était l’Angleterre. Les Juifs d’Amsterdam et de Hambourg, qui étaient en rapports avec les marchands, les armateurs et les savants de cette île, désiraient ardemment pouvoir y établir une colonie, mais l’exécution de ce projet semblait se heurter à des obstacles insurmontables. Le haut clergé anglais était peut-être encore plus intolérant que les papistes qu’il persécutait, et le peuple anglais, qui n’avait pas vu de Juifs depuis des siècles, partageait, en grande partie, l’aversion du clergé.

Un homme courageux entreprit alors la tâche difficile de dissiper les préjugés des Anglais contre les Juifs. Manassé ben Israël, deuxième ou troisième rabbin d’Amsterdam, qui ne jouait qu’un rôle secondaire dans sa patrie et trouvait si peu de ressources dans ses fonctions de prédicateur qu’il était résolu, pour nourrir sa famille, à aller s’établir comme commerçant au Brésil, ce savant à la fois prudent et hardi, énergique et souple, vaniteux et désintéressé, réussit à faire admettre ses coreligionnaires en Angleterre. Il n’était pas d’une intelligence supérieure, mais il inspirait la sympathie et recevait un excellent accueil dans tous les milieux. Il possédait aussi une rare facilité d’élocution, beaucoup de chaleur, et il savait porter la conviction dans les esprits. C’était surtout un grand cœur.

Au point de vue littéraire, il prit pour modèle Isaac Abrabanel, dont il avait épousé l’arrière-petite-fille, Rahel Soeira. À l’exemple