Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/180

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puritains, d’officiers imprégnés de l’esprit biblique, d’illuminés qui attendaient le règne millénaire du Messie, et tous professaient le plus grand respect pour les antiques institutions du judaïsme. Ainsi, ils proposèrent très sérieusement de composer le conseil d’État de soixante-dix membres, sur le modèle du Sanhédrin de Jérusalem, et le général Thomas Harrison, un anabaptiste, voulut faire adopter pour l’Angleterre les lois mosaïques. Le Parlement accueillit donc avec la plus grande bienveillance la requête de Manassé ben Israël, à qui il envoya un passeport pour venir discuter à Londres la question du retour des Juifs en Angleterre.

Craignait-on, parmi les Juifs, que Manassé ne fût pas assez habité pour triompher de toutes les difficultés ou qu’il nuisit à la cause de ses coreligionnaires en s’inspirant trop, dans ces négociations, de ses rêveries messianiques ? Ce qui est certain, c’est qu’un Marrane, Manuel Martinez Dormido, s’empressa de se rendre à Londres pour remettre une supplique en faveur de l’établissement des Juifs dans la Grande-Bretagne. Dormido, qui avait occupé une situation importante en Espagne et que l’Inquisition avait tenu emprisonné assez longtemps avec sa femme et sa sœur, avait réussi à s’enfuir à Amsterdam, où il était revenu au judaïsme. Dans sa requête, il se déclarait ouvertement Juif et faisait ressortir les avantages considérables que les Marranes de l’Espagne et du Portugal, par leurs capitaux et leur expérience des affaires, assureraient à l’Angleterre. Quoique Cromwell recommandât cette requête au conseil d’État, elle fut rejetée (novembre 1634). Après cet échec, les Marranes mirent de nouveau tout leur espoir en Manassé.

Celui-ci marchait alors en plein rêve. D’avance il se sentait ébloui par les splendeurs de la glorieuse période messianique qui allait s’ouvrir pour Israël. Ses idées étaient, d’ailleurs, partagées par des illuminés chrétiens. Peu de temps auparavant, le Hollandais Henri Jessé avait publié un ouvrage intitulé Prochaine gloire de Juda et d’Israël. Le médecin Paul Felgenhauer, de Bohème, mystique et alchimiste, alla plus loin. Persécuté à la fois, en Allemagne, par les catholiques et les protestants, il s’était réfugié à Amsterdam. et s’y était lié avec Manassé. Il publia le