Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/186

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le général Monk ramenait le prétendant Charles II en Angleterre et le rétablissait sur le trône. Pendant qu’il était encore simple prétendant, ce prince, qui avait toujours besoin d’argent, s’était déjà anis en rapport avec les Juifs d’Amsterdam et leur avait promis, dans le cas où la monarchie serait restaurée, d’autoriser l’établissement de leurs coreligionnaires en Angleterre s’ils lui fournissaient des armes et des capitaux. Il tint parole. Dés qu’il fut devenu roi, il permit à de nombreux Juifs de se fixer dans la Grande-Bretagne, sans que leur situation fût pourtant formellement réglée par une loi.

Au moment où se produisit cette amélioration dans la situation des Juifs, quel était l’état du judaïsme ? La religion juive avait alors subi tant de modifications, s’était accrue de tant d’additions et d’emprunts étrangers qu’elle était devenue presque méconnaissable. Déjà les Soferim et les docteurs du Talmud avaient élevé de si nombreuses barrières et multiplié tellement leurs interprétations qu’on ne reconnaissait presque plus rien de la doctrine des Prophètes. Puis étaient venus les gaonim, les écoles des rabbins espagnols, français, allemands et polonais, les adeptes de la Cabale, qui, successivement, avaient ajouté au judaïsme primitif leurs aggravations, leurs conceptions particulières, leurs erreurs. On ne se préoccupait plus des principes établis par la Tora et les Prophètes, à peine tenait-on compte des enseignements du Talmud ; on s’attachait surtout aux opinions des autorités rabbiniques, et, en dernière instance, à celles de Joseph Karo et de Moïse Isserlès. La Cabale aussi s’était glissée comme un poison dans le sein du judaïsme et avait agi sur presque tous les rabbins, que ce fût dans les communautés polonaises, à Amsterdam (Isaac Aboab da Fongeca), ou en Palestine (Isaïe Horwitz). Les rêveries extravagantes d’Isaac Louria, ses idées concernant l’origine des âmes, la métempsycose, l’association des âmes, la thaumaturgie, troublaient les esprits et égaraient les cœurs. Les jeunes lionceaux — c’est ainsi que s’appelaient les disciples de Louria — s’appliquaient avec un zèle ardent à enseigner ces absurdités et à répandre les plus extraordinaires légendes sur le pouvoir magique de leur maître. Pendant près de cinquante ans (1572-1620), jusqu’à sa mort, Hayyim Vital de Calabre exerça un empire absolu