Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/201

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rabbins des Pharisiens et leur attribuait des sentiments de mesquine ambition et un esprit étroit, parce qu’ils défendaient avec énergie la religion pour laquelle tant de martyrs avaient sacrifié leur vie !

Par suite de son aversion pour le judaïsme, Spinoza émit avec conviction des assertions erronées sur cette religion. D’après lui, les livres saints auraient été altérés par de nombreuses fautes de copie, par des interpolations et des modifications, et n’émaneraient pas, en réalité, des auteurs auxquels ils sont attribués ; ils auraient été réunis et mis en ordre par Ezra, peut-être seulement après l’exil de Babylone. On ne possède plus l’œuvre originale de Moïse, le Décalogue lui-même n’existe plus dans sa forme primitive. Du reste, à en croire Spinoza, Moïse, les Prophètes et les autres personnages de la Bible eurent une conception absolument fausse de Dieu et de la nature, ils ne furent pas des philosophes et ne s’appliquèrent pas à se laisser guider exclusivement par les lumières de la raison. Au-dessus de tous les grands hommes de la Bible, il faut placer Jésus, qui posséda une raison lumineuse et instruisit, non pas une seule nation, mais l’humanité entière. Les apôtres aussi sont supérieurs, d’après lui, aux Prophètes, parce qu’ils s’efforcèrent de propager leur enseignement par des moyens naturels, par des raisonnements, et non pas seulement par des miracles. Pour que Spinoza ait ainsi déprécié la haute valeur morale du judaïsme et loué le christianisme au détriment de sa propre religion, il faut qu’il ait profondément ressenti les vexations des rabbins d’Amsterdam !

Spinoza aurait pu devenir un adversaire très dangereux pour le judaïsme. D’abord, grâce à sa remarquable vigueur d’argumentation, il fournit aux ennemis de cette religion les moyens de la combattre par le raisonnement. Ensuite, il reconnut à l’État et aux autorités le droit d’interdire la pratique du judaïsme et d’imposer une autre religion aux Juifs. Il justifiait, en quelque sorte, Ies persécutions de l’Inquisition contre les Marranes, puisque, selon lui, tout citoyen doit accepter la religion de son pays et qu’il est absurde de professer le judaïsme. Heureusement, Spinoza aimait trop la tranquillité pour chercher à faire école. L’idéal de l’existence, pour lui, était de vivre dans le calme et la paix.