Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1663, il partit pour Jérusalem, où il espérait voir s’accomplir un miracle qui ferait éclater à tous les yeux le caractère divin de sa mission. À ce moment, la communauté de Jérusalem était pauvre et désorganisée. Déjà accablée sous le poids des extorsions d’argent et des vexations des autorités turques, elle déclina encore plus à la suite de l’immigration de nombreux fugitifs polonais que les persécutions avaient chassés de leur pays. Devant la misère croissante de la communauté, les notables partirent et la direction des Juifs de Jérusalem fut confiée à des cabalistes endurcis, aux plus zélés disciples de Louria et de Hayyim Vital.

Quand Sabbataï Cevi arriva à Jérusalem, le terrain était donc tout préparé ; les superstitions et la foi aux miracles y régnaient souverainement. Au commencement de son séjour, il se tint assez tranquille, se contentant de mener une vie de mortifications, de visiter fréquemment tes tombeaux des hommes pieux et d’évoquer leurs esprits. Mais là, comme ailleurs, son charme opéra, et de nombreux partisans se groupèrent autour de lui. Les circonstances aussi le favorisèrent. Les Turcs exigèrent des Juifs de Jérusalem une somme d’argent considérable, que la communauté appauvrie ne pouvait pas parer. Les malheureux mirent tout leur espoir dans la générosité du riche monnayeur Raphaël Chelebi, du Caire, et ils déléguèrent Sabbataï Cevi auprès de lui. Ravi de jouer le rôle de sauveur, Sabbataï se rendit immédiatement au Caire, où il obtint le secours demandé. En outre, le hasard allait lui permettre de commencer au Caire la réalisation de son rêve messianique.

Pendant les massacres exécutés par les soldats de Chmielnicki dans les communautés juives de Pologne, les chrétiens trouvèrent une jeune orpheline juive de six ans, qu’ils placèrent dans un couvent. Quoique élevée dans la religion catholique, l’orpheline resta fidèle aux croyances paternelles, mais l’éducation qu’elle reçut au couvent en fit une mystique. Devenue une jeune fille d’une rare beauté, elle réussit à s’enfuir du cloître. Un jour, des Juifs la rencontrèrent au cimetière, couverte uniquement d’une chemise. Elle leur dit alors qu’elle était d’origine juive, avait été élevée dans un couvent, et que, la nuit précédente, l’esprit de son père l’avait saisie et transportée au cimetière. Pour appuyer