Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/214

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Dieu. À Amsterdam comme à Londres, parmi les Portugais aussi, bien que parmi les Allemands, le nombre des partisans de Sabbataï s’accrut de jour en jour. Eux aussi manifestaient leurs espérances messianiques par des procédés divers, les uns se livrant dans les synagogues à une joie exubérante, les autres s’imposant des jeûnes et des mortifications. Les imprimeries ne parvenaient pas à livrer un nombre suffisant de Rituels de prières en hébreu, en espagnol ou en portugais, contenant des formules de pénitence et des litanies spéciales pour hâter l’avènement du Messie. Dans certains exemplaires, on voyait le portrait de Sabbataï à côté de celui du roi David.

À Hambourg, où les Juifs souffraient alors de l’intolérance des chrétiens, l’agitation messianique revêtit un véritable caractère de folie. Des hommes considérables et occupant des situations élevées, comme Manoël Texeira et le médecin Bendito de Castro, sautaient et dansaient dans la synagogue, un rouleau de la Loi sur le bras. Les bruits les plus singuliers couraient dans la ville. On racontait que dans l’Écosse septentrionale on avait aperçu un navire avec des voiles et des cordages en soie, dirigé par des matelots qui parlaient l’hébreu et ayant un drapeau avec tette inscription : a Les douze tribus d’Israël. P Selon leur habitude, les Anglais faisaient des paris considérables au sujet du succès de Sabbataï ; ils affirmaient que dans un délai de deux ans il serait sacré roi de Jérusalem. Partout le même vertige s’emparait des Juifs. À Avignon, où ils étaient durement traités par les fonctionnaires du pape, ils se préparaient à partir, au printemps de l’année 1666, pour la Judée.

De tous côtés affluaient des députations à Smyrne pour saluer Sabbataï du titre de roi des Juifs et mettre à sa disposition les biens et la vie de ses sujets. Le prétendu Messie était incapable d’utiliser pour quelque grande œuvre l’enthousiasme et l’absolu dévouement de ses partisans ; il se laissait béatement aduler, attendant d’un miracle la réalisation des espérances qu’il avait fait naître dans tout le judaïsme. Samuel Primo et ses autres amis craignaient moins l’action que lui. Comme il est dit dans le Zohar, cette Bible des Cabalistes, qu’à l’aube des temps nouveaux les lois cérémonielles seront abolies, ils entreprirent de