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CHAPITRE X


Tristesses et joies
(1670-1720)


Pendant qu’en Turquie les Juifs jouissaient d’une complète sécurité même au moment de l’agitation messianique de Sabbataï, ils continuaient d’être traités en parias par les nations chrétiennes de l’Europe, excepté en Hollande et en Angleterre. Ce fut de nouveau l’Espagne qui ouvrit l’ère des persécutions. Ce pays était alors gouverné par Marie-Anne d’Autriche, veuve de Philippe IV, qui avait élevé son confesseur, le Jésuite allemand Neidhard, à la dignité d’inquisiteur général et de premier ministre. Une telle souveraine ne tolérait naturellement que des catholiques dans ses États. Or, dans un coin de la région septentrionale de l’Afrique, à Oran, à Mazaquivir et dans quelques autres localités, on trouvait des Juifs. Beaucoup d’entre eux avaient rendu de sérieux services à l’Espagne, en temps de paix aussi bien qu’en temps de guerre. Les familles Cansino et Sasportas, dont les membres remplissaient les fonctions de drogman, s’étaient distinguées en mainte circonstance par leur attachement et leur dénouement pour l’Espagne, et Philippe IV leur avait fait adresser des remerciements officiels. Sa veuve n’en décida pas moins d’expulser tous les Juifs sans exception. Sur les instances de quelques notables juifs, le gouverneur leur accorda un délai de huit jours, jusqu’après la fête de Pâque, et consentit à attester qu’ils étaient exilés, non pas parce qu’ils avaient commis quelque méfait, mais à cause de l’intolérance de la régente (fin avril 1669). Les exilés, qui avaient été obligés de vendre leurs immeubles à des prix dérisoires, allèrent se fixer en Savoie, à Nice et à Villefranche.

La fille de la régente d’Espagne, Marguerite, impératrice d’Allemagne,