Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/225

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voulu accueillir jusqu’alors qu’un très petit nombre de Juifs, s’ouvrit plus largement aux exilés de Vienne. Son pas que le Grand Électeur, le fondateur de la grandeur prussienne, fut plus tolérant que la plupart des princes de ce temps. Mais, plus intelligent que l’empereur Léopold, il dédaignait moins les capitalistes juifs, parce qu’il savait que sans de bonnes finances, un État ne peut pas prospérer, et que les Juifs pourraient lui rendre, sous ce rapport, d’excellents services. Depuis un siècle, aucun Juif n’avait pu légalement demeurer dans la Marche de Brandebourg. Malgré les préjugés de la population protestante, Frédéric-Guillaume commença par en tolérer quelques-uns dans ses États. À la suite du traité de Westphalie, il avait acquis, en effet, la ville de Halberstadt avec les environs, où demeuraient quelque dix familles juives. Il les y laissa et leur octroya un privilège qui ressemblait aux autres actes de tolérance accordé sen ce temps aux Juifs. La Nouvelle Marche aussi parait avoir été alors habitée par des familles juives, ainsi que le duché de Clèves (Emmerich, Wesel, Duisburg et Minden), qui avait été annexé au Brande-bourg. À Emmerich, Frédéric-Guillaume fit même la connaissance d’un Juif remarquablement doué, Élie Gumperts (Gompertz) ou Élie d’Emmerich, dont il se servit comme agent diplomatique et comme fournisseur d’armes et de poudre.

Quand le Grand Électeur apprit que Léopold Ier avait décrété l’expulsion des Juifs de Vienne, il chargea son représentant dans cette ville de se mettre en rapport avec eux pour les faire venir dans le Brandebourg. Douze délégués se rendirent donc de Vienne à Berlin, afin de savoir à quelles conditions Frédéric-Guillaume autoriserait le séjour de leurs coreligionnaires dans ses États. Ces conditions, assez dures, étaient pourtant plus favorables que celles qui étaient imposées aux Juifs dans les autres pays protestants. Cinquante familles autrichiennes eurent la permission de s’établir dans le Brandebourg et le duché de Crossen et de faire librement du commerce. Chaque famille devait payer annuellement un droit de protection de huit thalers et, en plus, un florin d’or par mariage et autant pour chaque enterrement. Par contre, ils étaient exemptés du péage personnel (Leibzoll). On leur permettait d’acheter et de construire des maisons, à condition de les