Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/232

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de Spinoza sur la Bible qui lui inspirèrent le désir d’examiner ce livre de plus près. Il fut également poussé à cette étude en voyant les protestants appuyer leurs croyances les plus élevées comme leurs conceptions les plus absurdes sur des versets bibliques ; il voulait se rendre compte par lui-même de la légitimité de leur méthode d’interprétation. Les catholiques l’approuvèrent bruyamment, sans se douter du danger -que son exégèse allait présenter pour leur foi.

Jusqu’alors, la connaissance de la littérature rabbinique était restée circonscrite dans un cercla très restreint, parce que les chrétiens qui en avaient parlé, tels que Reuchlin, Scaliger, les deux Buxtorf et les savants hollandais, avaient écrit leurs ouvrages en latin. Hais Richard Simon écrivit, non pas en latin, mais dans un élégant style français. Aussi ses livres produisirent-ils beaucoup de sensation, car ils furent lus de toutes les personnes cultivées. même des dames. D’un autre côté, les rapports qu’il dut entretenir forcément avec des savants juifs pour connaître la littérature hébraïque, firent disparaître une partie de ses préventions contre les Juifs. Il renonça aussi à cette prétention présomptueuse, qui ne pouvait être défendue que par des ignorants, que le christianisme n’avait rien de commun avec le judaïsme et lui était bien supérieur. Avec une véritable hardiesse il affirma, au contraire, que la religion chrétienne dérive de la religion juive, lui a emprunté une partie de ses cérémonies et ne peut vraiment rester fidèle à son origine qu’en continuant de s’inspirer du judaïsme. En même temps, il déplorait qu’on eût expulsé les Juifs de France, où ils avaient brillé par leur savoir. Il les défendait aussi en toute circonstance contre la malveillance de leurs adversaires, et, quand un Juif de Metz (Raphaël Lévy) fut accusé du meurtre d’un enfant chrétien, il plaida sa cause avec une chaleureuse conviction.

Malheureusement, les esprits éclairés et sincèrement tolérants étaient encore rares, et les plus absurdes accusations continuaient de trouver créance auprès des chrétiens, même instruits. Même dans les milieux cultivés on croyait encore que les Juifs tuaient des enfants chrétiens, buvaient leur sang ou s’en servaient pour guérir des maladies qui leur étaient spéciales. Un protestant de