Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/236

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consistance et au néant. Des chrétiens prétendaient que par le mot néant, en hébreu Wariq, les Juifs faisaient allusion à Jésus. Ce passage n’était pas imprimé dans les Rituels, mais, dans certaines éditions, la place en était indiquée par un blanc. Wülfer fouilla les bibliothèques pour découvrir un manuscrit où se trouvât ce passage. Il y réussit. Il rendit alors compte de sa découverte dans un livre où il louait le prince Georges de Hesse d’avoir obligé les Juifs de son État à jurer que jamais ils ne proféreraient plus ce blasphème contre Jésus. Wülfer fut pourtant assez équitable pour affirmer que l’accusation de meurtre rituel portée contre les Juifs était mensongère et que le témoignage des Juifs convertis sur ce point ne méritait aucune créance.

Un jurisconsulte d’Altorf, Jean-Christophe Wagenseil, alla plus loin que Wülfer. Il entreprit de rechercher, lui, les ouvrages juifs contenant des attaques contre le christianisme, que ces attaques fussent faites au nom de la Bible ou au nom de la raison. Pour réunir le plus grand nombre possible de ces écrits antichrétiens, il ne craignit pas de se, rendre jusqu’en Espagne et en Afrique. Il consigna le résultat de ses recherches dans un ouvrage qu’il intitula : Traits de feu de Satan. Wagenseil ne haïssait pourtant pas les Juifs. Il flétrissait, au contraire, avec indignation les traitements cruels qu’on leur avait infligés pour les contraindre à se convertir. Il désirait qu’on les amenât au christianisme par la persuasion, et, dans ce but, il conseilla aux princes protestants la fondation d’établissements spéciaux pour faire des prosélytes. II avait bien vu à Rome, où, depuis le pape Grégoire XIII, un dominicain prêchait parfois devant des Juifs railleurs ou assoupis sur la supériorité des dogmes chrétiens, que ce moyen aussi était peu efficace, mais il espérait que les protestants, plus zélés que les catholiques, réussiraient mieux. Il faut surtout rappeler à l’honneur de Wagenseil qu’il écrivit un opuscule pour démontrer combien il était abominable d’accuser les Juifs de faire usage de sang chrétien.

Malgré l’affirmation de Wagenseil, corroborée par celle de Wülfer, un autre protestant, Jean-André Eisenmenger, professeur de langues orientales, réédita cette odieuse calomnie. Il écrivit un gros ouvrage en deux volumes où il distillait sa haine avec une