Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

méchanceté sans pareille et dont le titre seul était déjà une excitation contre les Juifs : Le Judaïsme dévoilé, ou rapport véridique et sincère sur la façon dont les Juifs endurcis profèrent des blasphèmes épouvantables contre la Trinité, outragent la sainte hère du Christ, le Nouveau Testament, les évangélistes et les apôtres, se moquent de la religion chrétienne et manifestent leur mépris et leur horreur pour tout le christianisme. Ce livre contient, en outre, de nombreux détails peu connus ou totalement inconnus, de grossières erreurs de la religion et de la théologie juives et des fables ridicules et amusantes ; le tout est prouvé par leurs propres ouvrages. Écrit en toute sincérité pour tous les chrétiens. Dans cet ouvrage, Eisenmenger rapporte tous les cas de meurtre rituel imputés aux Juifs, toutes les fables grotesques répandues contre eux, sans oublier l’empoisonnement des puits à l’époque de la Peste Noire.

Le hasard apprit à quelques Juifs de Francfort qu’Eisenmenger faisait imprimer dans leur ville un ouvrage qui leur était hostile. Craignant qu’il n’excitât les mauvaises passions de la foule, encore tout imbue des anciens préjugés ; ils s’efforcèrent d’en empêcher la publication. Dans ce but, ils se mirent en relations (1700) avec les Juifs de cour ou Hofjuden de Vienne, principalement avec le changeur Samuel Oppenheim. Celui-ci leur prêta le concours le plus actif, et, finalement, réussit à faire promulguer par l’empereur Léopold II un édit interdisant la vente du pamphlet d’Eisenmenger. Cette interdiction ruinait l’auteur, qui avait consacré sa fortune à l’impression de son ouvrage, dont tous les exemplaires, au nombre de deux mille, étaient mis sous séquestre à Francfort.

Pour faire lever l’interdit impérial, Eisenmenger sollicita l’intervention de Frédéric Ier, roi de Prusse, mais il mourut sans avoir obtenu satisfaction. Déjà des apostats juifs avaient cherché à irriter ce souverain contre leurs anciens coreligionnaires en les accusant, eux aussi, de blasphémer journellement le Christ dans la prière d’Alènou. Les corporations, toujours jalouses des Juifs, avaient naturellement agi de leur côté pour soulever la colère de la foule contre ceux dont elles redoutaient la concurrence. Il en était résulté, dans le peuple, une surexcitation qui, d’après