Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/241

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leur cachet spécial. Les zélotes qui ont entrepris contre Rome une guerre à mort ; les partisans de Bar-Kokhba, qui ont fait trembler l’empire romain ; les Juifs arabes, qui ont fourni une nouvelle religion aux fils du désert ; les poètes et les penseurs juifs de l’Espagne et de la Provence, qui ont porté la civilisation juive à un point si élevé ; les Marranes espagnols et portugais qui, sous le masque chrétien et sous l’habit du moine, ont entretenu dans leur cœur, avec un soin jaloux, la flamme sacrée de la religion paternelle et ont sapé les fondements de la puissante monarchie catholique de Philippe Ier, tous ces personnages d’époques diverses, de caractère et de tempérament parfois opposés, ont, chez Basnage, la même physionomie et se ressemblent à s’y méprendre. C’est que l’auteur protestant n’a vu les Juifs qu’à travers l’histoire de l’Église, et, malgré son désir sincère d’impartialité, il ne peut s’empêcher de les considérer comme réprouvés, parce qu’ils ont repoussé Jésus.

Mais, quoique l’Histoire de la religion des Juifs présentât les plus sérieux défauts, elle rendit un service considérable à la cause du judaïsme. Écrite en langue française, qui était alors comprise dans presque tous les milieux cultivés de l’Europe, elle aida, peut-être à l’insu et contre la volonté de l’auteur, à relever les Juifs de leur situation humiliante en provoquant la pitié pour leurs épreuves et l’admiration pour leur littérature. Deux grands érudits, Christian-Théophile Unger, ministre protestant à Herrenlauschitz, en Silésie, et Jean-Christophe Wolf (1683-1739), professeur de langues orientales à Hambourg, qui avaient étudié sérieusement l’histoire et la littérature juives, suivirent la voie tracée par Basnage et complétèrent ses travaux. Wolf surtout y ajouta beaucoup d’informations nouvelles et très exactes.

Un Irlandais, John Toland, éleva également la voix, à cette époque, en faveur des Juifs ; il demandait qu’on leur accordât en Angleterre et en Irlande les mêmes droits qu’aux chrétiens. C’était la première fois qu’un chrétien osait réclamer hautement leur émancipation. Il est à remarquer que ceux mêmes au sujet desquels les sentiments s’étaient si heureusement modifiés se doutaient alors le moins de ce revirement favorable.