Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/243

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Mantoue, qui se distinguait par son remarquable bon sens, avait de sérieuses connaissances philosophiques. Lui aussi sut défendre sa religion contre les attaques des chrétiens ; il écrivit son plaidoyer en langue italienne. Brieli eut le courage de ne pas se conformer à certains usages que, jusqu’alors, les rabbins avaient observés avec une religieuse ponctualité ; il osa rester célibataire et se dispenser de porter sa barbe. Il combattit vigoureusement les doctrines du Zohar et de la Cabale, mais il n’exerça que peu d’influence sur ses contemporains juifs.

À part ces rares exceptions, les rabbins de ce temps étaient presque tous de médiocre valeur. Ceux d’Allemagne et de Pologne, en dehors d’une vaine casuistique, ne possédaient aucune connaissance et, de plus, étaient d’une gaucherie et d’une maladresse enfantines. Les rabbins portugais avaient des manières dignes et imposantes, mais étaient, pour la plupart, ignorants. Leurs collègues italiens ressemblaient à ceux d’Allemagne, sans les valoir pourtant comme talmudistes. Ainsi dirigés par des chefs dénués d’autorité, de science et de clairvoyance, les Juifs de ce temps prêtaient l’oreille à tous les excentriques, à tous les agitateurs, à tous les hallucinés. La vraie piété était remplacée par des pratiques superstitieuses. On demandait aux rabbins des amulettes magiques (Kemèot) pour guérir les maladies, et les rabbins se prêtaient à ces ridicules exigences. Il y en avait qui se vantaient même de pouvoir évoquer les esprits. Un cabaliste, de l’école de Damas, fit un jour une tentative de ce genre en présence de Richard Simon. Devant l’insuccès de ses efforts, il affirma au Père oratorien, qui suivait ses mouvements désordonnés d’un sourire ironique, que la France n’offrait pas un terrain propice à l’apparition des esprits.

Ainsi, pendant que des chrétiens admiraient la nation juive, avec ses destinées à la fois glorieuses et tragiques, et voyaient dans sa persistance à vivre un vrai miracle de l’histoire, les propres membres de cette nation ne savaient pas apprécier cette grandeur ou s’absorbaient dans des pratiques puériles et ridicules. Des parents chrétiens étudiaient avec zèle les merveilleuses annales juives, qui embrassaient une période de trois mille ans, tandis que nul Juif, même chez les Sefardim, ne s’intéressait à