Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/248

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comme le vrai successeur de Sabbataï, comme le Rédempteur envoyé par Dieu. On accusait ses partisans de mœurs déréglées. Il est de fait que, pour ces sectaires, le mariage n’avait aucun caractère sacré. D’après l’enseignement de Louria, une femme qui ne plait plus à son mari peut être répudiée, parce qu’elle est un obstacle à l’harmonie mystique qui doit régner entre époux. Les mœurs se ressentaient naturellement d’une telle doctrine. Pour mettre un terme à ces scandales, les rabbins dénoncèrent cette secte aux autorités turques. Les partisans de Sabbataï avaient appris de leur martre un moyen infaillible de calmer les susceptibilités des Turcs. Ils se firent tous musulmans (vers 1687), au nombre de près de quatre cents. Afin de bien établir la sincérité de leur conversion, un grand nombre d’entre eux, avec leur Messie, se rendirent en pèlerinage à La Mecque. À son retour, Querido mourut à Alexandrie.

Ces néo-Turcs, fixés presque tous à Salonique, formèrent une petite Église particulière que les Turcs appelèrent Donméh, c’est-à-dire schismatiques. Eux-mêmes, séparés à la fois des Juifs et des Turcs, se donnèrent le nom de Maminim, les vrais croyants[1]. Ils ne se mariaient qu’entre eux, allaient parfois prier dans une mosquée, mais se réunissaient fréquemment pour adorer leur Libérateur. Ils conservèrent du judaïsme l’usage de circoncire les enfants mâles à l’âge de huit jours, et dit Canon biblique ils gardèrent le Cantique des Cantiques, qui se prête admirablement à des interprétations mystiques. Ils entouraient d’un respect particulier le Zohar, où ils puisaient les textes de leurs sermons. Après la mort de Querido, son fils Berakhya lui succéda comme chef religieux.

Comme du temps de Sabbataï, la folie mystique devint contagieuse

  1. Cette secte compte encore aujourd’hui environ mille familles à Salonique. Elle se subdivise en trois groupes : les Smyrlis, ainsi nommés d’après la ville de Smyrne où est né Sabbataï Cevi ; les Jacobites, d’après Jacob Querido ; et les partisans d’Osman Baba, chef religieux qui s’est seulement révélé vers la fin du XVIIIe siècle. Le premier groupe s’appelle aussi Karavayo. Les Jacobites sont, pour la plupart, fonctionnaires ou employés du gouvernement turc. Les membres d’un groupe ne s’allient pas à ceux d’un autre. Tous ont conservé des usages juifs, qu’ils pratiquent secrètement dans leurs réunions religieuses. Leur prédicateur porte le titre de ab-bèt-din, et leur chantre celui de paytan.