Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/263

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lui. De nouveau on se plaignit de lui au roi. On lui reprochait de fomenter des troubles dans la communauté et de se montrer d’une révoltante partialité dans les procès qu’il jugeait, donnant toujours raison à ses partisans. Le roi se décida à demander un mémoire sur cette affaire à des professeurs et des théologiens qui savaient l’hébreu (1755).

Un de ces savants, le pasteur David-Frédéric Megerlin, se prononça en faveur d’Eibeschütz, mais de telle façon qu’il le rendit encore plus suspect aux yeux des Juifs. Selon lui, les lettres mystérieuses des amulettes appliquées à Sabbataï Cevi étaient tout simplement une allusion mystique à Jésus-Christ. Il affirmait aussi qu’Eibeschütz était attaché secrètement au christianisme, nais n’osait pas le déclarer publiquement. Il demandait donc au roi de protéger Eibeschütz contre ses persécuteurs, et surtout contre Emden, qui haïssait en lui le chrétien, comme son père, pour le même motif, avait haï Néhémia Hayon. Megerlin engagea très sérieusement Eibeschütz à jeter le masque et à se taire baptiser. En même temps, il adressa un appel à tous les Juifs pour les inviter à organiser un synode qui proclamerait la vérité du christianisme.

Par devoir, et pour sauvegarder sa dignité, Eibeschütz aurait dû protester énergiquement contre les allégations de Megerlin, au risque de s’aliéner la faveur du roi. Mais, dans son intérim, il préféra laisser dire qu’au fond du cœur il était chrétien. Quelque absurde qu’elle fût, l’argumentation de Megerlin convainquit Frédéric V. Eibeschütz fut maintenu dans ses fonctions de rabbin, et la communauté d’Altona reçut l’ordre de lui obéir (1756). Le sénat de Hambourg aussi le reconnut de nouveau comme rabbin de la communauté allemande. Ainsi, cette longue lutte de six ans, qui avait excité les plus vives passions dans les communautés juives, depuis la Lorraine jusqu’en Podolie et depuis le Pô jusqu’à l’Elbe, se termina par le triomphe d’Eibeschütz.

Comme pour donner un démenti aux assertions d’Eibeschütz, qui avait affirmé qu’il n’existait plus de Sabbathiens, ces sectaires recommencèrent à ce moment leur agitation en Podolie. Ils avaient eu la chance de trouver un chef plein d’audace et d’initiative, qui sut les grouper en un parti puissant, recruta un