Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/265

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les encourageait à acquérir des richesses, même par des moyens malhonnêtes, parce que, à ses yeux, la ruse et la tromperie étaient des preuves d’habileté, et non pas des actes illicites. Il opposait le Zohar au Talmud, affirmant que le Zohar seul contient les enseignements de Moïse. De là le nom de zoharistes ou anti-talmudistes que prennent parfois ses sectateurs. Par une sorte de bravade, ces anti-talmudistes accomplissaient des actes que le judaïsme rabbinique défend avec le plus de rigueur, même en ce qui concernait les lois relatives au mariage et à la chasteté des mœurs. Ils comptaient dans leurs rangs des rabbins et des prédicateurs : Juda Leib Krysa, rabbin de Nadvorna ; le rabbin Nahman ben Samuel Lévi, de Busk, et Elischa Schor, de Rohatyn, descendant d’une famille de rabbins polonais très estimés. Elischa, ainsi que ses fils, sa fille Hayya, qui pouvait réciter le Zohar de mémoire et était considérée comme prophétesse, ses gendres et ses petits-fils étaient déjà secrètement affiliés à la doctrine sabbathienne, et ils éprouvaient une profonde satisfaction de pouvoir maintenant manifester publiquement leur dédain pour les prescriptions rabbiniques.

Un jour, on surprit Frank avec une vingtaine de ses adeptes à Laskorun, où ils s’étaient réunis dans une auberge et avaient verrouillé la porte. Ils prétendaient qu’ils s’étaient simplement enfermés pour réciter des cantiques dans la langue du Zohar. Mais leurs adversaires affirmaient qu’ils les avaient vus se livrer à des actes immoraux, dansant autour d’une femme mi-nue et allant ensuite l’embrasser. Ils avertirent la police qu’un Turc était venu en Podolie pour convertir les Juifs à l’islamisme et les emmener ensuite en Turquie. et que ses adhérents avaient des mœurs déréglées. Frank fut arrêté avec ses partisans, mais, comme il excipa de sa qualité d’étranger, on le remit en liberté, les Frankistes restèrent détenus.

La découverte des menées de Frank produisit un affreux scandale. Pour arrêter ce nouveau mouvement, les rabbins et les administrateurs des communautés eurent recours à leurs procédés habituels : l’anathème et la persécution. Gagnées à prix d’argent, les autorités polonaises leur accordèrent un appui énergique. Aussi les défections furent-elles nombreuses parmi les Frankistes.