Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/269

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démontrer la réalité du crime qu’on leur imputait. Pourtant, devant les affirmations des Frankistes, le nonce hésitait à se rallier entièrement aux conclusions du sacré Collège, et il comptait que le colloque l’éclairerait complètement sur ce point.

Ce colloque, qui devait amener la conversion de tant de Juifs, excita le plus vif intérêt. La noblesse, venue eu foule, paya très cher le droit d’assister à ce spectacle, parce que la recette devait être remise aux convertis pauvres. Les débats eurent lieu à la cathédrale de Lemberg, sous la présidence du chanoine Mikolski. Ce fut un spectacle affligeant que celui de ces Juifs s’accusant mutuellement des vices et des crimes les plus atroces. Comme à la première controverse, les talmudistes, au nombre d’environ quarante, se montrèrent gauches et maladroits, forcés de recourir à un interprète pour se faire comprendre des assistants. Il est vrai que leur situation était extrêmement délicate. Les Frankistes affirmaient que le Zohar enseigne la Trinité et le dogme de l’incarnation. Les orthodoxes n’osaient pas parler trop énergiquement contre ces dogmes, de crainte d’irriter les catholiques. Du reste, il est incontestable que le Zohar fait des allusions à ces croyances. Après trois jours de discussions, les talmudistes furent encore une fois jugés vaincus. Ils n’avaient même pas réussi à réfuter nettement l’accusation de meurtre rituel !

Après ce colloque, le clergé catholique pressa les anti-talmudistes d’embrasser enfin le christianisme. Mais ils hésitaient à apostasier ; ils ne s’y décidèrent que sur l’ordre formel de Frank. Celui-ci, qui avait disparu quelque temps, était brillamment rentré en scène dès la fin de la controverse. Pour en imposer aux Polonais, il sortait dans un équipage à six chevaux, revêtu d’un costume turc et accompagné de gardes du corps habillés également à la turque. Environ mille Frankistes abjurèrent alors le judaïsme à Lemberg. Quant à Frank, il n’accepta le baptême qu’à Varsovie, où il déploya une grande pompe et où le roi consentit à lui servir de parrain.

Éclairé sur le caractère du néophyte, le clergé catholique avait une médiocre méfiance dans la sincérité de sa conversion. Il le soupçonnait de n’avoir pris le masque du christianisme, comme il avait pris celui de l’islamisme, que pour satisfaire plus facilement son