Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/285

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Les orthodoxes, qui témoignaient le même respect pour les pratiques établies par les rabbins que pour les prescriptions de la Bible, lui en voulaient d’avoir déclaré publiquement qu’on trouvait dans le judaïsme des lois instituées par les hommes, et même des abus. Hirschel Levin, qui était alors rabbin de Berlin, lui demanda des explications au sujet de cette assertion. Mendelssohn n’eut pas de peine à se justifier. II n’en resta pas moins suspect aux yeux des rigoristes.

Bientôt il donna à ces derniers un nouveau motif de mécontentement. Par un décret conçu en termes presque paternels (avril 1772), le duc de Mecklembourg-Schwerin avait interdit aux Juifs de son pays d’inhumer trop vite leurs morts, pour qu’on ne risquât pas d’enterrer des personnes encore vivantes. Il était alors de coutume chez les Juifs d’enterrer le mort, autant que possible, le jour même du décès. Les délégués de la communauté demandèrent donc à Jacob Emden, d’Altona, de rédiger un mémoire pour prouver au duc de Mecklembourg que son décret était contraire à un de leurs usages religieux. Sur le conseil d’Emden, ils sollicitèrent l’intervention de Mendelssohn. À leur grand étonnement, celui-ci déclara (mai 1772) que lui aussi était d’avis de ne laisser inhumer les morts que trois jours après le décès, pour éviter toute erreur. Il prouvait en même temps que cette réforme n’était pas tout à fait une innovation et qu’à l’époque talmudique on avait également pris certaines mesures pour empêcher les inhumations précipitées. Cette hardiesse de Mendelssohn déplut à Emden et aux orthodoxes.

Ce fut vers cette époque que Lessing, l’ami de Mendelssohn, provoqua dans l’Allemagne chrétienne un formidable orage, dont l’écho retentit jusque parmi les Juifs. À Hambourg, où l’avait poussé son besoin de mouvement, il avait fait la connaissance d’une famille estimée et très libérale, la famille Reimarus. Pour combattre l’esprit sectaire et l’outrecuidance des pasteurs luthériens de cette ville, un membre de cette famille, Hermann-Samuel Reimarus, avait écrit un Plaidoyer pour les adorateurs éclairés de Dieu où il faisait l’apologie de la raison et parlait en ternies irrespectueux du fondateur du christianisme. Mais il n’avait pas eu le courage de publier cet écrit. Lui mort, sa fille, Élisa Reimarus,