Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/288

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vertueux des personnages chrétiens, ne devient réellement bon qu’après s’être corrigé de certains préjugés. L’auteur expose, dans ce drame, que c’est une folie de rechercher quelle est la vraie religion. Lequel des trois fils peut se vanter de posséder le vrai anneau ? Le Père céleste aime surtout ceux de ses enfants qui se distinguent par leur douceur, leur bienveillance et leur esprit de charité.

Par ce drame, publié au printemps de l’année 1779, Lessing irrita profondément les chrétiens. Partout on l’accusa d’avoir abaissé te christianisme au profit de la religion juive. Ses amis mêmes n’osèrent pas le défendre et, de peur de se compromettre, l’évitèrent de plus en plus. Exclu de diverses sociétés, isolé, froissé dans ses sentiments les plus intimes, Lessing ressentit vivement les vexations qu’on lui infligeait. Il en fut profondément chagriné, et sa belle intelligence en éprouva le contrecoup ; il perdit sa vigueur, sa netteté d’esprit. Quoiqu’il mourût dans la force de l’âge, il paraissait brisé comme un vieillard, victime de son amour pour la vérité et la justice. Du moins sa lutte en faveur de la tolérance ne resta-t-elle pas stérile en Allemagne.

Pendant que Lessing, sous l’influence de l’admiration qu’il avait conçue pour Mendelssohn, s’efforçait de détruire les préjugés encore si vivaces contre les Juifs, Mendelssohn travaillait à l’amélioration morale de ses coreligionnaires en traduisant le Pentateuque. Ce livre, bien des Juifs pouvaient le réciter de mémoire, mais ne le comprenaient plus. Les nombreux commentaires rabbiniques et cabalistiques qui prétendaient l’expliquer en avaient altéré le sens. Dans les écoles, les maîtres, tous Polonais, le faisaient traduire aux enfants dans un affreux jargon et entremêlaient tellement le texte et les gloses que leurs élèves pouvaient croire que le Pentateuque contient les plus grandes absurdités. Depuis longtemps, Mendelssohn déplorait cette manière d’enseigner la Bible et reconnaissait la nécessité d’en donner une traduction simple et élégante. Il avait fait une version allemande du Pentateuque pour ses enfants, mais, dans sa modestie, ne voulait pas la publier. Il ne s’y décida que sur les instances pressantes de ses amis. Mais, comme il savait que la plupart de ses coreligionnaires, accoutumés à voir toujours la