Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/292

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et persuasive, il s’adressa à un de ses amis qui, par sa situation et ses connaissances, était excellemment préparé à un tel travail. Cet ami s’appelait Dohm.

Chrétien-Guillaume Dohm (1751-1820), qui était un savant historien, venait d’être attaché par Frédéric le Grand, avec le titre de membre du Conseil de la guerre, aux Archives de l’État. Comme beaucoup d’écrivains et de philosophes de ce temps, il avait cultivé l’amitié de Mendelssohn et avait été séduit par l’élévation de son esprit et la douceur de son caractère. Son admiration pour Mendelssohn l’avait amené à étudier de près le glorieux passé des Juifs et les persécutions dont ils étaient l’objet depuis tant de siècles. Il avait même conçu le projet de publier un travail sur l’histoire de la nation juive depuis la chute de leur État. Il accepta donc avec empressement la proposition de réviser le Mémoire des Juifs d’Alsace. Dans le cours de son travail, il eut l’idée de donner une portée plus haute à ce Mémoire en plaidant la cause non seulement des Juifs d’Alsace, mais aussi des Juifs d’Allemagne, qui souffraient des mêmes iniquités. Le Mémoire primitif devint ainsi un véritable livre, achevé en août 1781 et intitulé : De la réforme politique des Juifs.

Laissant de côté toute déclamation, Dohm, dans son ouvrage, se place au point de vue politique et économique pour conseiller aux hommes d’État d’améliorer la situation des Juifs. La tâche qu’il poursuivait offrait des difficultés exceptionnelles, car les arguments mêmes qu’il pouvait faire valoir en faveur des Juifs étaient invoqués contre eux par leurs ennemis. Intelligents et actifs, ils étaient accusés d’être remuants et rusés, leur attachement à leur religion était qualifié d’obstination, la fierté qu’ils éprouvaient de l’antiquité de leur race et de la valeur de leurs croyances passait pour de l’orgueil et de la présomption. Mais, sans se laisser arrêter par les préjugés qui régnaient contre eux, Dohm prit vaillamment leur défense.

Après avoir exposé que dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, les Juifs jouissaient dans l’Empire romain des droits de citoyen, Dohm montre qu’ils furent soumis peu à peu à des lois restrictives par les Byzantins et les Germains, surtout par les Visigoths