Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/295

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Dohm ne pouvaient plus être qualifiées de simples utopies, puisqu’un souverain les avait réalisées en partie. Un ami de Dohm, Diez, un des plus généreux esprits de cette époque, qui représenta plus tard la Prusse en Turquie, estimait même que Dohm n’avait pas réclamé des droits assez étendus pour les Juifs. Vous avez eu raison, lui dit-il, d’affirmer que les défauts actuels des Juifs sont le résultat de l’oppression séculaire qui a pesé sur eux. Mais pour achever le tableau et atténuer les reproches que vous adressez aux Juifs, vous auriez dû également peindre les mœurs corrompues des chrétiens, qui ne valent certainement pas mieux que les Juifs.

biais des hommes tels que Diez étaient de rares exceptions. Dans les cercles savants de l’Allemagne, l’ouvrage de Dohm était, au contraire, jugé très sévèrement. On ne voulait pas croire que les Juifs fussent jamais capables de se relever et de devenir d’utiles citoyens. Déjà, trente ans auparavant, à l’apparition du drame de Lessing intitulé : Les Juifs, un théologien, qui était en même temps un hébraïsant, Jean-David Michaelis, avait rendu solennellement cet oracle qu’un Juif animé de sentiments élevés était une pure chimère. Mendelssohn, par son caractère, sa conduite et ses œuvres, était bien venu donner un éclatant démenti à cette assertion méprisante. Mais, comme il n’est pas possible qu’un savant allemand se trompe, Michaelis persista dans son opinion que la race juive était vouée à une irrémédiable dégénérescence. Ses assertions malveillantes ne causèrent alors aucun tort aux Juifs, parce qu’à ce moment ni les princes, ni les peuples n’étaient encore disposés en Allemagne à traiter les Juifs en citoyens. Même Frédéric le Grand, le prince philosophe, dont Dohm espérait le plus, n’améliora en rien leur situation, et lorsque Éphraïm Veitel lui demanda de leur permettre au moins l’accès des professions manuelles, il refusa. Mais Dohm eut le grand mérite de créer une opinion publique au sujet des Juifs.

Pendant que Dohm plaidait la cause des Juifs, Mendelssohn avait gardé une réserve discrète. Il craignait qu’une intervention publique de sa part entravât les efforts de Dohm et nuisit à la cause de ses coreligionnaires. Mais il manifestait hautement sa joie de voir des chrétiens défendre énergiquement les Juifs.