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leur ferveur pendant la prière en frappant des mains, en s’agitant, en sautant et en criant. D’ailleurs, vers cette époque, on retrouve aussi ces extravagances chez deux sectes chrétiennes, les sauteurs ou jumpers, en Angleterre, et les agitateurs ou shakers, dans l’Amérique du Nord. Le mysticisme et la folie peuvent exercer leurs ravages dans toutes les confessions.

En l’espace de dix ans, Israël Bescht groupa autour de lui près de dix mille Hassidim qui, au début, ne se distinguaient des autres Juifs polonais que par leur façon particulière de prier, par leurs nombreuses ablutions, leur constante sérénité d’humeur et peut-être aussi les longues boucles de cheveux qu’ils laissaient pendre le long de leurs joues. Leur chef étant un ignorant, les Hassidim affectaient un profond mépris pour l’étude du Talmud qui, selon eux, est incapable de former des Juifs vraiment religieux. Après la mort d’Israël Bescht, les dissentiments existant entre orthodoxes et Hassidim prirent un caractère plus aigu, et il se produisit une véritable scission entre les deux partis.

À Israël Bescht succéda Dob Beer, de Mizriez (1700-1772). D’un esprit plus cultivé que son prédécesseur, il était aussi plus habile à gagner des partisans et à imposer sa volonté. Il était versé dans la Cabale, se montrait prédicateur fort adroit (Magguid), et, pour appuyer ses opinions, savait établir des rapports entre des passages de la Bible, du Midrash et du Zohar qui semblaient n’avoir absolument aucun lien entre eux. Sa figure imposante inspirait le respect. Enfermé toute la semaine dans sa petite chambre, où il ne recevait que ses intimes, ses allures mystérieuses contribuaient encore à le faire vénérer du peuple. La foule désireuse de contempler sa face ne pouvait le voir que le jour du sabbat, où il se montrait habillé de soie blanche. En ce jour, il daignait se joindre, pour prier d’après tes rites de Bescht, à ses amis, à ses partisans du dehors qui ne cessaient d’affluer auprès de lui, et à tous ceux qui étaient venus en simples curieux. Afin de mettre les assistants en bonne humeur pour la prière, il se livrait aux plus enfantines plaisanteries. Lorsqu’il voyait tout le monde en gaieté, il s’écriait subitement : Maintenant, servez l’Éternel avec allégresse.

Sous la direction de Beer, la secte des Hassidim était restée la même,