Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/306

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culture de la science. Ardents, enthousiastes, ils prêchaient le progrès, prédisaient de nouvelles destinées au judaïsme, sans savoir eux-mêmes quelles seraient ces destinées. Depuis Königsberg jusqu’en Alsace, depuis l’Italie jusqu’à Amsterdam, à Londres et à Copenhague, on entendait un concert de voix fraîches et mélodieuses qui chantaient comme à l’aurore d’une joyeuse journée de printemps. Chaque voix prise à part aurait peut-être paru frêle et un peu fruste, mais dans leur ensemble elles produisaient un effet d’une belle harmonie. Ces jeunes gens, qui s’étaient mis à lire la Bible dans le texte original et en étaient vivement impressionnés, désiraient rendre à la langue hébraïque déformée et modifiée sa pureté primitive. Ils poursuivaient aussi le but de réveiller, parmi les Juifs, le goût de la poésie et de la science. Dans leur inexpérience et leur bel enthousiasme, ils n’apercevaient pas les nombreuses difficultés qu’ils rencontreraient dans leur entreprise. Aussi n’hésitèrent-ils pas à aller de l’avant et eurent-ils la joie de voir le succès couronner leurs efforts. Mendelssohn, prudent et circonspect, rendit., en réalité, moins de services au judaïsme que ses disciples, qui étaient dans la vigueur de l’âge, pleins de feu et d’audace, et ne craignaient ai de se compromettre ni de froisser les consciences timides.

Des circonstances particulières favorisèrent ce mouvement. Dans le désir d’enrichir son pays, le roi Frédéric II avait encouragé l’activité et l’esprit d’entreprise des Juifs de son royaume et surtout de ceux de Berlin. Sous son impulsion, plusieurs Juifs avaient créé des fabriques, fondé d’importantes industries et acquis de grandes richesses. Mais que faire de leur argent ? Ils n’avaient accès ni à la cour ai dans la noblesse ; la bourgeoisie même, jalouse de leur fortune, ne voulait pas les recevoir. Pour se distraire de leurs occupations habituelles, ils eurent alors l’idée de s’intéresser à la littérature, protégeant les savants juifs et favorisant la publication de leurs œuvres.

Le signal partit de Königsberg, qui était alors, en quelque sorte, une colonie de Berlin. Cette ville était habitée par un certain nombre de Juifs riches qui étaient des esprits cultivés et avaient pris une part active au mouvement provoqué en Allemagne, à cette époque, par l’influence de la littérature française. À leur tête