Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/313

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nécessaires pour accepter une réforme qui imposait de nombreuses restrictions et présentait très peu d’avantages.

Cet échec ne découragea pas le groupe des éclairés de Berlin dans son œuvre de rénovation. De la capitale il s’efforça d’étendre son action dans les provinces au moyen de deux instruments de propagande : une école et une imprimerie. L’organisation de l’école, dirigée par David Friedlænder et son riche beau-frère, Daniel Itzig, répondait peu au programme de Wessely. On y accordait une place très large aux matières de culture générale, au détriment de tout ce qui avait un caractère juif : l’hébreu, la Bible et le Talmud. En l’espace de dix ans (1781-1791), cette école forma plus de cinq cents élèves, qui répandirent dans toute la Prusse les idées des réformateurs juifs de Berlin. Sur son modèle, d’autres écoles furent créées en Allemagne et hors de l’Allemagne. L’imprimerie rattachée à cette école agissait dans le même esprit en publiant et en faisant pénétrer dans les ghettos des ouvrages d’instruction et d’éducation en hébreu et en allemand.

Au commencement, tous ces efforts produisirent des fruits déplorables, car l’enseignement donné par les réformateurs avait très souvent pour résultat la négation du judaïsme et la légèreté des mœurs. On écartait tout ce qui, dans l’ancienne vie juive, pouvait froisser le goût moderne, tout ce qui ne paraissait pas s’expliquer par la raison humaine, tout ce qui avait un caractère national, rappelait les événements du passé et contribuait à distinguer le Juif du Chrétien. Être éclairé, c’est-à-dire ressembler en tout point aux chrétiens, tel était le mot d’ordre de ces réformateurs. En agissant ainsi, ils croyaient sincèrement être restés fidèles aux idées de Mendelssohn, oubliant que leur maître n’avait jamais cessé de manifester un ferme attachement aux pratiques du judaïsme.

Ce mépris professé pour l’antique religion d’Israël blessait profondément les sentiments de la très grande majorité des Juifs, lui avaient conservé le respect des anciennes traditions et qui auraient peut-être accueilli avec faveur de sages réformes. De là, des malentendus, des froissements, des récriminations et des querelles. Wessely lui-même, cet admirateur passionné de Mendelssohn, reprocha amèrement leurs exagérations aux éclairés