Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/317

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de la vertu, sorte d’association dont les membres des deus sexes devaient se tutoyer et ne tenir aucun compte, dans leurs relations, des bienséances observées d’habitude dans le monde. On était alors au début du romantisme allemand, créé par les couvres poétiques de Goethe, et dont les partisans prétendaient réaliser dans la vie les sentiments lyriques exprimés parla poésie. Ce mouvement eut pour résultat de développer un faux sentimentalisme et d’encourager les unions libres entre personnes qui déclaraient avoir de l’affinité l’une pour l’autre. Les femmes juives se trouvaient flattées d’entretenir un commerce aussi intime avec les chrétiens des classes élevées.

La ligue de la vertu comptait parmi ses membres Henriette Herz, les deux filles de Mendelssohn et d’autres jeunes femmes juives. Henriette Herz noua d’abord une intrigue amoureuse avec Guillaume de Humboldt, puis avec Schleiermacher, cet apôtre d’un nouveau christianisme. Un autre hôte assidu du salon Herz, Frédéric Schlegel, courtisa Dorothée Mendelssohn, qui était mariée. Celle-ci, sous l’influence des principes prêchés par la ligue de la vertu, se trayait très malheureuse avec son mari ; elle le quitta pour aller vivre avec Schlegel. C’est à ce moment que Schlegel publia son roman immoral Lucinde, où il fait consister la sagesse dans une complète licence de conduite et où il approuve l’adultère. Schleiermacher fut le parrain de ce roman.

Une autre femme juive de ce cercle, Rahel Lewin, était d’une remarquable intelligence. Elle avait trop d’esprit et de clairvoyance pour s’affilier à la ligue de la vertu, mais elle n’échappa pourtant pas à l’influence funeste des mœurs dissolues qui régnaient alors dans la haute société chrétienne. Cette petite femme avec une grande âme, comme on l’appelait, admirait passionnément Goethe. Elle puisait ses principes de morale et ses règles de conduite dans les œuvres de ce poète, qui célèbre la sagesse païenne, et, en des périphrases fleuries, conseille de jouir de la vie.

Toutes ces pécheresses juives, sans dommage pour le judaïsme, se tirent baptiser. Les filles de Mendelssohn et Rahel se convertirent bruyamment, mais Henriette Herz, pour ne pas chagriner ses amis juifs, alla recevoir le baptême dans un petit village,