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et cela seulement après la mort de sa mère. Fait curieux, c’était dans le salon judéo-chrétien de Henriette Herz, à Berlin, que la réaction ecclésiastique, avec Schleiermacher et Schlegel, et la réaction politique, avec Gentz, tenaient leurs assises. Mais, dans la même année où Schleiermacher déclarait dédaigneusement que le « judaïsme était une momie », Bonaparte adressait un appel aux Juifs afin de les réunir autour de lui. La liberté que les Juifs de Berlin sollicitaient du gouvernement en s’humiliant devant l’Église, la France allait la leur donner sans imposer le moindre sacrifice à leur dignité.


CHAPITRE XIV


La Révolution française et l’émancipation des Juifs
(1789-1806)


La Révolution française fut vraiment, selon l’expression du prophète, « le jour du Seigneur où les orgueilleux furent abaissés et les humbles relevés ». Parmi tant d’injustices qu’elle répara, elle mit aussi fin à cette iniquité révoltante qui, depuis tant de siècles, faisait considérer les Juifs comme les parias des nations européennes. Ce que Mendelssohn ne croyait possible que dans un avenir lointain, ce que les défenseurs des Juifs, Dohm et Diez, n’osaient exprimer que sous forme de vœu, la France le réalisa avec une merveilleuse rapidité.

Ce ne fut pourtant que par des efforts multipliés que les Juifs de France réussirent à obtenir leur émancipation. Un homme courageux, Herz Medelsheim, plus connu sous le nom de Cerf Berr (né vers 1730 et mort en 1793), fut le premier à déployer une infatigable activité en faveur de ses coreligionnaires. Fournisseur des armées de Louis XV, il fut autorisé, pour un hiver, à résider à Strasbourg, dont le séjour était interdit aux Juifs. Comme il avait rendu des services considérables à l’État au moment d’une guerre