Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/319

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et pendant une famine, on lui permit de continuer à habiter cette ville. Il y attira alors quelques autres Juifs. Pour le récompenser de ses services, Louis XVI lui accorda les mêmes droits qu’aux autres Français et l’autorisa à acquérir des immeubles et des biens fonciers. Il créa des fabriques à Strasbourg et y employa des ouvriers juifs pour habituer ses coreligionnaires à gagner leur vie par le travail manuel et les mettre ainsi à l’abri des reproches de leurs adversaires. Les bourgeois de Strasbourg voyaient d’un œil jaloux l’arrivée de Juifs dans cette ville, et ils s’efforcèrent d’obtenir l’expulsion de Cerf Berr et de ses protégés. Ému de cette malveillance et encouragé, d’autre part, par le Mémoire de Dohm et l’édit de tolérance promulgué par Joseph II en Autriche, Cerf Berr résolut d’entreprendre d’actives démarches à la cour afin que les Juifs fussent’ émancipés ou, au moins, autorisés à résider dans la plupart des villes françaises. Il fit aussi répandre la traduction française de l’ouvrage de Dohm.

Louis XVI était animé des meilleurs sentiments et se montrait tout disposé à donner suite aux réclamations des Juifs. Sur son ordre, Malesherbes convoqua une commission de notables juifs chargés de proposer les mesures qui pourraient améliorer la condition de leurs coreligionnaires. Cerf Berr et Berr Isaac Berr de Nancy représentèrent à cette commission les Juifs de Lorraine ; ceux de Bordeaux et de Bayonne y envoyèrent comme délégués, entre autres, le riche armateur Gradis, Furtado, qui joua plus tard un certain rôle dans la Révolution française, et Isaac Rodrigues. Ce fut probablement sur leurs instances que Louis XVI abolit (24 janvier 1784) le péage corporel (leibzoll), qui pesait surtout sur les Juifs d’Alsace.

Aux efforts de Cerf Berr et de ses amis se joignirent bientôt ceux de deux hommes qui devaient occuper une place considérable dans la Révolution française : le comte de Mirabeau et l’abbé Grégoire. Mirabeau, âme ardente, débordant d’idées généreuses, se décida, à la suite d’un voyage à Berlin, à élever sa voix éloquente en faveur des Juifs. Pendant une mission secrète dans la capitale de la Prusse, où il était arrivé peu de temps après la mort de Mendelssohn, il entendit célébrer dans les milieux chrétiens les vertus du philosophe juif. Il se lia également avec Dohm et