Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/321

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Ces écrits, conçus en sens divers, mirent les Juifs à l’ordre du jour en France. La Société royale des sciences et des arts à Metz mit au concours la question suivante : Est-il des moyens de rendre les Juifs plus heureux et plus utiles en France ? Neuf mémoires furent présentés, dont sept favorables aux juifs, entre autres, ceux de deux ecclésiastiques, l’abbé Grégoire et l’abbé de la Louze. Trois concurrents partagèrent le prix, l’abbé Grégoire, Salkind Horwitz, Juif polonais, attaché à la bibliothèque du roi, et l’avocat Thierry. Tous émettent cette idée que les Juifs sont des hommes comme les chrétiens et méritent, par conséquent, de devenir citoyens français, et que les défauts qu’on leur reproche sont l’œuvre des chrétiens.

Il n’y avait pourtant pas un nombre considérable de Juifs en France au moment où éclatait la Révolution. Tant en Alsace qu’à Metz, à Paris, à Bordeaux et dans les États pontificaux d’Avignon et de Carpentras, on en trouvait à peine cinquante mille. Encore n’étaient-ils pas unis. Les Juifs de rite portugais témoignaient un injuste dédain à ceux de rite allemand, et les rapports entre eux étaient parfois très tendus. Aussi, malgré le conseil de l’abbé Grégoire, n’avaient-ils concerté aucun plan en commun quand l’occasion se présenta de demander leur émancipation à l’Assemblée nationale.

On sait que la Révolution débuta par la prise de la Bastille. Les excès du peuple de Paris furent imités sur bien des points en France, où des châteaux furent brûlés, des couvents détruits et des nobles maltraités ou tués. En Alsace, les paysans et la populace tournèrent leur fureur contre les Juifs (août 1789), dont ils démolirent les maisons et pillèrent les biens. De nombreux Juifs furent obligés de se réfugier à Bâle, où on les accueillit avec bienveillance, quoique le séjour de cette ville leur fût interdit d’habitude. Wessely a célébré dans une belle poésie hébraïque la conduite généreuse des Bâlois.

Les Juifs d’Alsace sollicitèrent alors l’appui de l’abbé Grégoire, qui s’adressa en leur faveur à l’Assemblée. Ministre d’une religion qui regarde tous les hommes comme frères, dit-il, j’invoque l’intervention de l’Assemblée en faveur d’un peuple proscrit et malheureux. Pour agir sur l’esprit public, il écrivit sa Motion en