Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/325

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depuis longtemps par quatre ou cinq Juifs puissants, établis dans le département du Bas-Rhin. Un d’entre eux (Cerf Berr), qui a acquis une fortune immense aux dépens de l’État, répand depuis longtemps des sommes considérables dans cette capitale pour s’y faire des protecteurs et des appuis. Ces insinuations eurent le résultat désiré : la question juive subit un nouvel ajournement.

Enfin, dans la séance du 27 septembre, peu de jours avant la séparation de l’assemblée, le député Duport, membre du club des Jacobins, rappela la proclamation récente de la Constitution de 1791 pour réclamer l’émancipation complète des Juifs. Je crois, dit-il, que la liberté des cultes ne permet plus qu’aucune distinction soit mise entre les droits politiques des citoyens à raison de leur croyance. La question de l’existence politique [des Juifs] a été ajournée. Cependant, les Turcs, les Musulmans, les hommes de toutes les sectes, sont admis à jouir en France dos droits politiques. Je demande que l’ajournement soit révoqué et qu’en conséquence il soit décrété que les Juifs jouiront en France des droits de citoyen actif. Ces paroles furent couvertes d’applaudissements. Rewbel demanda à combattre la proposition de Duport. Mais Regnault, député de Saint-Jean d’Angely, répliqua : Je demande que l’on rappelle à l’ordre tous ceux qui parleront contre cette proposition, car c’est la Constitution elle-même qu’ils combattront. L’assemblée vota alors, sans autre discussion, la motion de Duport, et le lendemain elle adopta définitivement la rédaction de la loi révoquant tous les ajournements, réserves, exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique. Deux jours plus tard, l’Assemblée nationale se sépara, et, le 13 novembre, Louis XVI ratifia la loi déclarant les Juifs citoyens français.

Justement fier de ce succès, qu’il avait contribué à obtenir par ses efforts persévérants, Isaac Berr adressa à ses coreligionnaires une lettre d’une remarquable élévation de pensée pour leur faire mieux apprécier la grandeur du résultat obtenu, et leur recommander de se montrer dignes de leur nouvelle situation. Dans un langage paternel, sensé et persuasif, à les exhorte à se corriger des défauts qu’ils doivent aux longues persécutions dont ils ont souffert, et à développer les qualités qui les distinguent. Qu’ils