Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

restent fidèles à la foi de leurs pères, mais qu’ils renoncent à s’enfermer dans leur isolement et à se séparer du reste de la société. Qu’ils témoignent surtout en toute circonstance d’un sincère patriotisme et s’occupent avec zèle de l’éducation de la jeunesse.

Cet appel fut entendu. Les Juifs français ne tardèrent pas à manifester leur attachement à leur nouvelle patrie. La petite communauté de Bordeaux, à elle seule, versa plus de 100.000 francs comme contribution patristique. Dans l’armée, on trouvait des soldats juifs, qui se battaient avec vaillance. Pendant cette période de troubles et de guerres, la plupart des Juifs français perdirent rapidement ces allures humbles et craintives qui les avaient exposés si souvent à la raillerie.

Cependant, les communautés juives ne furent pas épargnées par la tourmente révolutionnaire. À Bordeaux, au moment où sévissait la Terreur, plusieurs banquiers juifs, compromis comme partisans des Girondins, faillirent être guillotinés. Abraham Furtado n’échappa à la mort que par la fuite. Charles Peixotto, dénoncé comme aristocrate parce qu’il appartenait à la tribu de Lévi, fut sauvé parce qu’on rappela devant le tribunal qu’il avait acheté des biens nationaux. On se contenta alors de le condamner à une amende de 1.200.000 francs, et il ne fut remis en libertés qu’après avoir payé cette énorme somme. Pourtant, en général, les Juifs n’eurent pas trop à souffrir du règne de la Terreur. Habitués depuis des siècles aux persécutions, ils surent déployer, pendant cette tourmente, une grande prudence, se faisant petits pour laisser passer l’orage par-dessus leur tête, et restant en dehors de la lutte des partis. Ils fournirent pourtant un certain nombre de victimes à la guillotine, entre autres le fils d’un riche propriétaire, Isaac Calmer.

Le décret de la Convention instituant le culte de la déesse Raison était surtout dirigé coure le catholicisme, mais les Juifs en ressentirent également le contrecoup. La Convention avait bien rejeté un projet de loi proposant d’interdire aux Juifs la circoncision et le port de la barbe, pour faire disparaître toute distinction entre eux et les autres citoyens, mais en province, sous l’impulsion des clubs, les Juifs aussi subirent les attaques du fanatisme révolutionnaire.