Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/354

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en qualité de Schutzjude, qui ne pouvaient ni faire de commercer ni acheter d’immeubles, ni entrer dans les corporations. Trois Juifs seuls étaient autorisés à pénétrer chaque jour de Moisling, localité danoise voisine, dans Lubeck, et encore étaient-ils obligés de payer à l’entrée un péage corporel. Mais pendant la domination française (1811-1814), près de cinquante Juifs de Moisling s’y étaient rendus, de sorte que Lubeck comptait alors soixante-six familles juives, auxquelles cette ville dut accorder la liberté civile. Enfin, Brème, dont le séjour était interdit auparavant aux Juifs, dut également les recevoir pendant l’occupation française et les considérer comme citoyens.

Frédéric-François, grand-duc de Mecklembourg-Schwerin, alla plus loin. Non seulement il proclama l’égalité des Juifs (22 février 1812), mais, ce qu’aucun État n’avait encore permis, il autorisa les mariages entre juifs et chrétiens.

L’exemple des pays soumis à l’influence française agit aussi sur les autres États de l’Allemagne. En 1812, la Prusse entra dans le mouvement. Lors de ses désastres, les habitants juifs avaient montré autant et peut-être plus de patriotisme que bien des nobles, qui s’étaient empressés de rechercher les faveurs du vainqueur. Mais, au début, le roi Frédéric-Guillaume III hésita à abolir complètement les restrictions qui entravaient leur liberté. Quand le prince de Hardenberg fut chargé de relever son pays de ses ruines, il comprit qu’il était indispensable pour la Prusse de rassembler toutes ses forces et d’unir tous les habitants, sans exception, dans un sentiment de fraternité patriotique. D’un autre côté, David Friedlænder et ses amis multiplièrent leurs démarches pour qu’on se décidât enfin à traiter les Juifs comme les autres habitants. À la fin, Frédéric-Guillaume promulgua le célèbre édit du 11 mars 1812, par lequel il accordait aux Juifs domiciliés dans les États prussiens les mêmes droits qu’aux habitants chrétiens. Il les admettait aussi aux emplois académiques, scolaires et municipaux, mais leur refusait provisoirement l’accès aux fonctions de l’État. Par contre, ils étaient astreints au service militaire. Il remettait à plus tard le soin d’organiser leur culte. Pour l’élaboration d’un règlement concernant leurs affaires religieuses, disait-il, on aura recours à