Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/360

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au catholicisme et réclamer le rétablissement du pouvoir des Jésuites et la restauration de l’Inquisition. Le protestant Gentz affirmait aussi que seule l’Église catholique pouvait assurer le salut de l’Allemagne et aider à refaire l’unité de ce pays, sous l’autorité du pape et de l’empereur.

Toutes ces rêveries eurent des effets excessivement fâcheux pour les Juifs. À force de fureter dans les archives et de déchiffrer de vieilles chartes du moyen âge, on ressuscita les sentiments de fanatisme, d’intolérance et de haine qui, pendant cette sombre période, avaient provoqué de si terribles persécutions contre les Juifs. Un professeur de l’Université de Berlin, Frédéric Rühs, fut le premier à se faire l’interprète de ces sentiments de violente réaction. Dans un ouvrage intitulé Revendication des droits civils par les Juifs d’Allemagne, il développe la théorie de l’État chrétien et affirme le droit, non pas d’expulser les Juifs du pays, mais, au moins, de les humilier et de les empêcher de s’accroître. Il veut bien qu’on les tolère, mais non pas qu’on tes traite en citoyens. Rühs proposa même d’exiger d’eux, comme autrefois, le payement d’une taxe judaïque et de les obliger à porter un signe distinctif. Peut-être, disait-il, ces humiliations les décideront-elles à embrasser le christianisme.

Les idées de Rühs rencontrèrent de nombreux partisans. Au temps des Lessing, des Abt, des Kant et des Herder, les savants allemands eurent à cœur de prêcher la tolérance et l’amour des hommes, tandis que Schlegel, Rühs et consorts excitaient à la haine et aux violences. Ils rivalisaient d’étroitesse d’esprit et de fanatisme avec les ultra catholiques. Car ce qu’ils demandaient, eux, pour l’Allemagne, le pape Pie VII le réalisa dans ses États. Dès que l’occupation française eut cessé, il retira aux Juifs leurs droits civils, les contraignit, à Rome, à quitter les maisons qu’ils habitaient dans les diverses parties de la ville pour être parqués de nouveau dans les ghetto, rétablit contre eux l’Inquisition et leur imposa l’obligation d’assister aux sermons de prédicateurs catholiques chargés de les convertir.

Pourtant, au Congrès de Vienne, on persista à se montrer favorable aux Juifs. Dans un paragraphe spécial on les déclarait égaux aux autres citoyens et on invitait les États où ils ne jouissaient