Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/374

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dans le courant des siècles et ceux dont elle était formée à l’origine. En Allemagne, sous l’influence des Juifs polonais, le judaïsme avait pris un caractère très rude, et, dans les communautés portugaises et italiennes, les doctrines d’Isaac Louria et de Hayyim Vital lui avaient imprimé un cachet mystique. On était frappé de ces singularités dans toutes les circonstances de la vie juive, pendant les offices divins, aux sermons, aux mariages, aux enterrements. Les représentants officiels du judaïsme, comme les rabbins et les ministres-officiants, apparaissaient aux yeux des non juifs comme des gens incultes ou des visionnaires.

Four épurer le judaïsme et lui donner un aspect plus imposant, il aurait fallu un homme clairvoyant et particulièrement intelligent, à la fois calme et énergique, qui pût faire accepter les réformes nécessaires par la persuasion, sans froisser les consciences. Le Sanhédrin français et le Consistoire central avaient bien une situation officielle et jouissaient d’une grande autorité. Hais leurs principaux représentants, David Sintzheim, Abraham de Cologna et leurs successeurs n’étaient pas suffisamment convaincus de la nécessité de rajeunir le judaïsme. Ailleurs non plus, il ne se trouvait personne, à cette époque, qui pût provoquer et diriger ce mouvement de rénovation. Comme il n’y avait pas d’hommes pour réaliser cette lourde tâche, ce fut le temps qui se chargea de la mener à bonne fin. Mais cette œuvre ne s’accomplit pas sans vives discussions et sans luttes.

Le mouvement réformateur qui devait modifier peu à peu le judaïsme partit de l’Allemagne. Dans ce pays, les combats incessants que les Juifs eurent à livrer pour conquérir leurs droits civils et les défendre contre des agressions toujours renouvelées donnèrent naissance à deux tendances opposées. Les uns, sous prétexte de culture et de progrès, désertaient la foi de leurs pères ou manifestaient pour elle un hautain mépris. Le judaïsme leur apparaissait comme un fantôme errant à travers les siècles, et dont toute vie avait disparu depuis longtemps. Ils étaient rares ceux qui, comme Heine, devinaient dans ce prétendu fantôme assez de vigueur pour soutenir d’ardentes luttes et triompher des plus grandes difficultés. En opposition avec ces esprits cultivés, mois