Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/381

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Par ses idées comme par son talent, Bernays attira sur lui l’attention de ses coreligionnaires. Afin d’avoir un adversaire sérieux à opposer au parti de la réforme, la communauté de Hambourg le plaça à sa tète comme chef religieux. Ce choie fit sensation, car Bernays était le premier rabbin ayant reçu une excellente culture générale. Pourtant, il ne prit pas le titre de rabbin, tombé en discrédit, mais celui de hakham. Il aspirait, non pas à diriger les consciences dans sa communauté, mais à instruire. Comme les rabbins de la réforme, il prêchait, mais en, s’abstenant rigoureusement de toutes ces imitations chrétiennes tant aimées des novateurs. Henri Heine, qui était allé l’entendre un jour à Hambourg, dit de lui : J’ai assisté à un sermon de Bernays… aucun de nos Juifs ne le comprend, mais c’est un homme d’une grande valeur, bien supérieur à Kley, Salomon, Auerbach I et II.

Tout en ne partageant pas les convictions des orthodoxes, Bernays acquit pourtant leur estime. Il se montrait prudent, modeste, réservé, et sa conduite religieuse ne donnait lieu à aucune critique. Aussi les modifications qu’il introduisit dans le culte, et qui étaient également des réformes, furent-elles approuvées et quelquefois même adoptées par les orthodoxes. II exerça surtout une très salutaire influence par son enseignement, qui attirait beaucoup de jeunes gens et leur inspirait un vif attachement pour le judaïsme.

Une autre personnalité, bien différente de Bernays, eut aussi, à ce moment, l’action la plus heureuse sur le judaïsme : c’était Isaac Noah Mannheimer (né à Copenhague en 1793 et mort à Vienne en 1864). Quoique élevé à l’école de Jacobson, Mannheimer sut éviter les exagérations des autres novateurs et faire accepter sans lutte les innovations liturgiques. Du reste, c’était un esprit d’une rare élévation, sachant concilier un profond respect du judaïsme avec des connaissances profanes très étendues. Il réunissait en lui, dans une harmonie parfaite, les qualités les plus variées, l’enthousiasme et la prudence, un jugement sain et des aspirations vers l’idéal et la poésie, une éloquence entraînante et une grande activité, une indulgente mansuétude et une causticité mordante. Aussi réussit-il à créer à Vienne, avec les éléments