Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/388

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Krochmal et Rapoport surent découvrir et mettre en œuvre de nombreux matériaux, d’où ils tirèrent des informations précieuses pour l’histoire des Juifs. Leurs recherches eurent encore un autre avantage, elles encouragèrent plusieurs autres savants à entrer dans cette voie et suscitèrent entre eux une émulation féconde. Aussi suffit-il d’une trentaine d’années pour faire surgir le passé du judaïsme des décombres que les siècles avaient accumulés sur lui et pour le montrer dans son brillant éclat. Krochmal et Rapoport furent les fondateurs d’une nouvelle école, qu’on peut appeler l’école galicienne.

Nachman Krochmal (né à Brody en 1785 et mort à Tarnopol en 1840) rappelait, par son amour pour la science et son esprit critique, le savant Azaria di Rossi, qui vivait au XVIe siècle. Marié à quatorze ans, il s’établit à Zolkiev, où dominait encore, dans l’enseignement talmudique, la méthode polonaise. liais, en secret, il étudiait ardemment ta littérature hébraïque et lisait même des ouvrages de philosophie allemande, surtout ceux de Kant. Ces livres avaient pour lui l’attrait du fruit défendu, car les ultra orthodoxes et les Hassidim de Pologne interdisaient avec la dernière rigueur toute autre étude que celle du Talmud et de la Cabale. Il amassait ainsi dans son esprit, à côté de ses vastes connaissances talmudiques, des notions d’autres sciences, battant en brèche l’autorité du Talmud. Mais Krochmal n’était pas fait pour la lutte. De santé débite, il était très timide et évitait avec soin tout ce qui pouvait troubler sa tranquillité.

Pourtant, en rase campagne, là où il n’avait pas à craindre d’oreilles indiscrètes, il ouvrait les trésors de son savoir à quelques initiés. Ses disciples, familiarisés avec le Talmud et habitués, par conséquent, à deviner les plus obscures allusions, le comprenaient à demi-mot. Du reste, ses recherchés comme son enseignement furtif se distinguaient par une grande clarté. L’étude de la philosophie allemande avait imposé à son esprit une sévère discipline et l’avait habitué à une rigoureuse logique.

Krochmal se croyait des aptitudes toutes spéciales pour la philosophie, bien qu’il n’est produit rien d’original dans ce domaine. Mais il sut émettre des considérations philosophiques très profondes sur l’histoire, en général, et particulièrement sur l’histoire juive.