Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/392

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à l’hypocrisie et au parjure. Car, disait-il, nul homme raisonnable ne peut estimer une religion dont les adeptes doivent lui apparaître forcément comme de vils courtiers, qui, à l’exemple d’agents matrimoniaux faisant appel à la cupidité pour pousser à un mariage sans amour, font luire des avantages matériels aux yeux de gens sans foi pour les exciter à se faire chrétiens.

Riesser ne ménageait pas plus les Juifs. Il s’élevait avec une généreuse colère contre les lâches qui cachaient leur origine, ou achetaient leur liberté civile au prix d’une apostasie, ou livraient leurs enfants à l’Église sous prétexte de leur rendre la vie plus facile. L’honneur exige, déclarait-il, que ceux mêmes qui éprouvent une sincère sympathie pour l’Église ne se séparent pas de leur communauté avant que le but ne soit atteint, avant que le palladium de la liberté ne soit également conquis pour les Juifs. Il recommandait la création de sociétés travaillant activement à l’émancipation des Juifs, et il engageait tous ceux qui partageaient ses sentiments, fussent-ils chrétiens, à entrer dans ces sociétés. Il estimait, en effet, que tout honnête homme, à quelque confession qu’il appartienne, a pour devoir d’aider à délivrer des opprimés. Le succès répondit à ses efforts : partout on s’unit pour contribuer à obtenir l’émancipation des Juifs. Il annonça, du reste, le triomphe définitif de la liberté avec une telle assurance que ses paroles firent pénétrer la conviction dans tous les cœurs.

Il survint, à ce moment, quelques événements qui semblèrent donner raison aux prédictions de Riesser. Pour la première fois, un grand mouvement d’opinion se produisit en 1830, parmi les chrétiens anglais, pour faire disparaître toutes les incapacités civiles et politiques des Juifs, et, à la Chambre des communes, les principaux députés se déclarèrent favorables à ce mouvement. Fait plus imprévu, dans la Hesse électorale les Juifs furent entièrement et complètement émancipés (29 octobre 1833). Cet exemple était alors unique en Allemagne.

Encouragé par ces événements, Riesser lutta plus ardemment encore pour le triomphe de la cause à laquelle il avait voué sa vie. Mais il n’admettait pas que, pour obtenir leur égalité, les Juifs dussent imposer le moindre sacrifice à leur conscience. Les gouvernements et les États leur demandaient d’abandonner ce