Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/398

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par le Christ et Satan, l’éternité de la matière, l’inéluctable fatalité à laquelle l’homme lui-même est soumis, tels sont les principes de la religion naturelle.

À cette conception païenne le judaïsme oppose un Dieu personnel, complètement distinct et indépendant de la nature, qui est Un et ne se divise pas en deux principes contraires, qui a créé le monde sans le secours d’aucune matière préexistante. La religion juive admet aussi la liberté de l’homme, qui, par conséquent, devient responsable de ses actes. Ce sont là des vérités qu’on n’aurait pas connues par la raison si elles n’avaient pas été révélées sur le Sinaï. Mais ces vérités sont si évidentes que la raison est obligée de les accepter, comme elle accepte la réalité de certains phénomènes, quoiqu’elle en ignore les lois. On voit donc que le judaïsme forme un vigoureux contraste, non seulement avec les religions mythologiques, mais aussi, sous certains rapports, avec le christianisme. Telles sont les idées exposées par Steinheim dans sa Révélation. Bien que plusieurs de ses hypothèses et des conclusions qu’il en tire soulèvent de fortes objections, on doit pourtant reconnaître qu’aucun écrivain, avant lui, n’eut une intelligence aussi nette des principes du judaïsme.

On pouvait espérer que, grâce à tous ces travaux scientifiques, grâce aussi aux rapports plus fréquents et plus cordiaux des Juifs avec les Chrétiens, le rajeunissement du judaïsme se réaliserait sans lutte et sans violentes discussions. Les communautés s’habituaient, en effet, de plus en plus à confier les fonctions rabbiniques à des jeunes gens cultivés, qui prêchaient dans la langue nationale et s’efforçaient de donner au culte plus de dignité et d’attrait. Ceux qui, jusqu’alors, avaient résisté à toute innovation semblaient s’être résignés à certaines modifications et avoir déposé les armes. Mais le calme n’était qu’apparent. L’opposition entre les partisans et les adversaires des réformes éclata brusquement avec une grande vivacité. Le signal de la lutte fut donné par deux hommes, jeunes tous deux, qui avaient fréquenté ensemble la même Université et s’y étaient liés d’amitié, Abraham Geiger et Samson-Raphaël Hirsch. Tous deux étaient remarquablement doués, mais par leurs idées, leurs tendances et leur tempérament, ils formaient ensemble un contraste complet. Geiger