Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/400

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langue nationale le centre du culte et en faisant du rabbin un simple directeur de conscience, il affaiblit le judaïsme et, sans le vouloir, provoqua des apostasies.

Contre ces innovations s’éleva énergiquement Samson-Raphaël Hirsch (né à Hambourg en 1812 et mort à Francfort en 1888). Sous le pseudonyme de Ben Ouziel, il publia (1836) Dix-neuf lettres sur le judaïsme, où il proteste contre les réformes, les déclare injustifiables et injustifiées et proclame la nécessité de maintenir à la religion juive sa forme primitive jusque dans les moindres détails. Geiger et Hirsch furent les champions vaillants et passionnés de deux principes opposés, ils commencèrent une lutte qui n’est pas encore terminée de nos jours. Car aujourd’hui encore, la plupart des grandes villes de l’Allemagne ont une communauté orthodoxe et une communauté réformée.

Dans les autres pays, il ne se produisit pas de conflit de ce genre. C’est qu’en Allemagne, les gouvernements mirent tant de lenteur et tant de mauvaise volonté à supprimer les anciennes lois restrictives et à proclamer l’égalité des Juifs, que ceux-ci furent amenés, en partie, à voir dans leurs croyances un insurmontable obstacle à leur émancipation et à vouloir les sacrifier.

Pendant que bien des Juifs se trouvaient à l’étroit dans le judaïsme ou désiraient pour leur culte plus d’éclat et de pompe, des Chrétiens en admiraient la simplicité et la belle austérité. Deux savants chrétiens surtout, émerveillés que les Juifs, malgré leurs maux sans nombre, eussent produit des œuvres poétiques originales jusque dans les temps modernes, essayèrent d’éveiller l’intérêt de leurs coreligionnaires pour la poésie néo-hébraïque et de leur en faite comprendre la valeur. L’un d’eux, Franz Delitzsch, publia l’Histoire de la poésie néo-hébraïque[1], et l’autre, Adam Martinet, la Chrestomathie hébraïque[2]. Tous les deux exprimèrent leur admiration pour la persistance de la force créatrice de l’esprit juif, qui s’était ainsi maintenue à travers les siècles en dépit des plus atroces persécutions, et ils en conclurent à la mission divine des Juifs. Personne ne peut nier, disait

  1. Geschichte der neu-hebräischen Poesie, Leipzig, 1836.
  2. Hebräische Chrestomathie, Bamberg, 1837.