Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/402

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sont plus unies qu’en apparence. Ces réflexions si désespérées étaient heureusement trop pessimistes. Un incident survint à ce moment qui prouva combien était encore puissant le sentiment de solidarité qui reliait entre eux les Juifs des divers pays et par quelle solide force de cohésion ils étaient encore retenus ensemble, peut-être à leur insu. Devant la menace d’un outrage qu’on voulait infliger à l’honneur du judaïsme, tous oublièrent leurs divisions, leurs tendances particulières, leur nationalité, pour faire front à l’ennemi ; les plus hardis réformateurs et les orthodoxes les plus endurcis se donnèrent la main pour s’associer dans une défense commune. Chose plus remarquable ! Cet incident Juif, si peu important à l’origine, devint un incident diplomatique qui s’imposa à l’attention de plusieurs gouvernements européens et de la Turquie, et provoqua l’intervention de l’autocrate de toutes les Russies, Nicolas Ier, aussi bien que celle de la grande république américaine.

Cet incident, qui naquit à Damas et causa, à la fin, la mort de plusieurs Juifs, fut soulevé par un Italien naturalisé Français, Ratti-Menton, individu sans scrupule et sans conscience, par un renégat chrétien qui avait coiffé le turban, Hanna Bachari-bey, et par plusieurs autres coquins. Mais avant d’exposer les faits mêmes, il sera utile de dire quelques mots de la situation politique de l’Europe et de la Turquie.

Méhémet Ali, pacha d’Égypte, après de brillantes victoires remportées sur le sultan Mahmoud, son suzerain, lui avait enlevé toute la Syrie avec la Palestine. Louis-Philippe soutenait Méhémet Ali ; d’autres puissances se montraient favorables à la Turquie. Après la mort de Mahmoud et l’avènement au trône (en juillet 1839) de son fils Abd-ul-Medjid, jeune homme de dix-sept ans, la situation se compliqua encore plus. La question d’Orient entra dans une phase critique. La Russie appuya ouvertement la Turquie, et la France continua à encourager le conquérant égyptien. L’Autriche et l’Angleterre étaient indécises. Par suite des rapports amicaux existant entre Méhémet Ali et le gouvernement de Louis-Philippe, les chrétiens de la Syrie et de la Palestine, opprimés jusqu’alors par la Turquie, usèrent de nouveau lever la tète. De persécutés qu’ils avaient été, les ecclésiastiques et les moines de